Après avoir présenté la manière dont fut assemblé le Coran et avant de traiter de la question de l’interprétation du Livre (tafsir), nous tenterons de synthétiser pour l’essentiel les éléments permettant une compréhension juste du Texte Coranique, éléments que tout exégète averti et reconnu se doit de maîtriser.
La période de Révélation
La Révélation peut être divisée en deux grandes périodes, avec pour point de repère la date d’émigration des musulmans de la Mecque vers Médine (al hijra) : la période pré-hégirienne, dite période mecquoise, qui débuta avec la première révélation et qui s’étala sur environ treize années et la période post-hégirienne, dite période médinoise, qui elle dura près de dix années et qui prit fin avec la mort du Prophète (paix et salut sur lui). L’avis le plus répandu parmi les savants est de considérer comme Mecquois ce qui a été révélé pendant la période mecquoise, même si cela n’a pas été révélé à la Mecque à proprement dit, comme pendant les voyages du Prophète (paix et salut sur lui) par exemple. De même, est considéré comme médinois ce qui a été révélé pendant la période médinoise même si cela n’a pas été révélé à Médine à proprement dit. Les ‘oulamas ont fournis beaucoup d’efforts afin d’établir des critères permettant de distinguer le mecquois du médinois. En effet, la connaissance de la chronologie de la Révélation est de la plus haute importance pour contextualiser la mise en pratique des principes de l’Islam, pour comprendre l’application progressive de certaines prescriptions comme l’interdiction de l’alcool par exemple ou encore pour connaitre l’ordre des priorités dans la religion.
Les causes de la Révélation
Les causes de la Révélation ou asbab an-nouzoul consistent à rechercher les circonstances dans lesquelles un verset fut révélé, autrement dit de répondre aux questions où, quand, comment, pourquoi ? Cette analyse met ainsi en lumière les causes et les implications d’une révélation et permet de définir un cadre pour l’exégèse. Car ce qui est crucial, c’est de savoir si un verset rattaché à un évènement historique particulier, a une application spécifique, limitée à une époque, à un contexte ou à un lieu, ou s’il peut s’appliquer dans d’autres situations voire s’appliquer en toutes circonstances. Pour illustrer la question d’asbab an-nouzoul prenons l’exemple du verset ’À Allah seul appartiennent l’Est et l’Ouest. Où que vous vous tourniez, Dieu est en face de vous, car Allah est Immense et Omniscient’ [2 ;115]. Sans connaitre la cause de la révélation de ce verset, on pourrait penser qu’il n’est pas obligatoire de s’orienter vers la Mecque pour la prière, comme l’affirment pourtant d’autres versets ; Et d’où que tu sortes, tourne ton visage vers la Mosquée Sacrée [2;149]. C’est donc en cherchant après les causes de cette révélation que l’on en comprend ces implications : selon un avis, des musulmans voyagèrent par une nuit sombre et ne purent déterminer la direction de la Mecque pour prier. Plus tard, ils se rendirent compte qu’ils s’étaient trompés de direction et vinrent alors consulter le Prophète (paix et salut sur lui), suite à quoi le verset ci-dessus fut révélé. Ainsi, s’il est bien obligatoire de se diriger vers la Mecque pour prier, ce verset vient simplement nous apprendre que le fait de ne pas s’orienter dans cette direction par erreur ou par contrainte n’invalide pas la prière. À noter que les récits relatant les causes d’une révélation ne sont admis que s‘ils émanent des Compagnons du Messager (paix et salut sur lui), sachant qu’ils ont vécu au temps de la Révélation, ou bien de leurs disciples (tabi’oun) à la condition que ceux-ci soient reconnus pour leur science et leur honorabilité tels que les célèbres ‘Ikrima, Moujahid, Said Ibn Joubayr, Qatada, Masrouq, Al Hassan Al Basri ou Ibn Sirin.
L’abrogeant et l’abrogé
La connaissance de l’abrogation au sein du Coran fait référence aux versets du Livre qui ont été abrogés, c’est-à-dire dont l’application a été ‘annulée’ par la révélation d’autres versets. Le Coran a expliqué ce concept dans le verset : Si Nous abrogeons un verset quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou un semblable. Ne sais-tu pas que Dieu est Omnipotent ? [2;106]. La raison principale de tout cela était d’apporter la nouvelle religion de manière progressive sans brusquer les choses. Un exemple bien connu est celui de la prohibition du khamr [tout ce qui trouble la raison : vin, etc.] survenue à l’issu de trois étapes : d’abord une mise en garde sans interdiction [2;219], puis une interdiction partielle au moment de la salat [4;43], enfin une interdiction totale abrogeant tout ce qui précède [5;90]. Le passage abrogé est appelé mansoukh et le passage abrogeant nâsikh. Comme pour asbab al nouzoul, seuls les récits fiables remontant aux compagnons et au Prophète (paix et salut sur lui) peuvent indiquer quels sont les versets abrogés. Par ailleurs, les savants ont dit qu’il était illicite (haram) pour une personne d’interpréter le Coran si elle n’avait pas étudié cette science de manière approfondie.
La signification des versets
Enfin, il est important pour l’exégète de savoir distinguer entre ce qui a une portée général (‘am) et une portée spécifique (khass), connaitre aussi les règles d’interprétation concernant les versets explicites (mouhkam) et les versets équivoques (moutachabih), savoir déterminer si un verset s’applique en tout temps et en tout lieu (moutlaq) ou s’il s’applique uniquement dans un contexte précis (mouqayyid). Pour plus de détails sur ces notions, nous invitons nos lecteurs à consulter les ouvrages spécialisés.
Et Allah sait mieux.