Allah a réuni en notre modèle parfait, notre illustre exemple, le Prophète Mohammed (paix et salut sur lui), toutes les qualités du bon musulman. En effet, il était doté d’une connaissance parfaite de Son Seigneur, d’une compréhension globale et profonde de Ses Lois, d’un excellent caractère, et d’un comportement irréprochable.
Un tel niveau d’accomplissement et d’équilibre ne peut plus être atteint après lui, mais nous devons cependant nous efforcer de nous en approcher au maximum.
Pour nous aider dans cette tâche, les différents aspects de la foi et de la pratique ont été, au fil des siècles, développés en sciences par nos savants. Aussi, dans chacune des disciplines religieuses nous avons vu apparaître des références, qui par leurs efforts et leurs travaux restent jusqu’à nos jours des exemples à suivre. Parmi eux, nous pouvons citer à titre d’exemple, l’imam Malik dans le fiqh, Ibn Kathir dans l’exégèse du Coran, Al Boukhari dans les sciences du hadith, ou encore Sibawayh dans la langue arabe. Mais il est un domaine que l’on néglige beaucoup aujourd’hui alors qu’il a une importance considérable dans la réussite du croyant : il s’agit de l’éducation spirituelle, le tasawwouf, dont l’un des plus grands maîtres fut l’imam ‘Abd Al Qader Al Jilani, à qui nous allons nous intéresser.
‘Abd Al Qader Al Jilani est né en l’an 472 de l’Hégire (1077 EC), dans la province de Jilan au nord de la Perse. Les généalogistes font remonter ses origines jusqu’à ‘Ali Ibn Abi Talib. Il montra dès son enfance des dispositions spirituelles exceptionnelles, qui le poussèrent, à l’âge de dix-huit ans à quitter son foyer pour se rendre à Bagdad, alors centre du savoir par excellence, afin d’y étudier les sciences islamiques. Il est rapporté que lors de son voyage vers Bagdad, la caravane qu’il accompagnait fut attaquée par des brigands, dont l’un d’eux lui demanda s’il avait sur lui quelque chose de valeur. ‘Abd Al Qader Al Jilani répondit spontanément qu’il avait quarante pièces d’or cachées dans son habit. Le voleur qui se croyait abusé fut surpris lorsqu’il constata que cela était vrai, et en informa son chef. Lorsque ce dernier l’interrogea sur la raison de cet aveu surprenant, il répondit simplement qu’il avait pris l’engagement de ne jamais mentir auprès de sa mère. Son attitude pleine de sincérité et d’innocence fut la cause du repentir de la bande de brigands.
‘Abd Al Qader arriva donc à Bagdad autour de 490H. et y étudia de nombreuses sciences jusqu’à devenir une référence, notamment dans le fiqh hanbalite. Et ce n’est qu’une fois après avoir maîtrisé la compréhension des textes sacrés qu’il s’initia à la discipline spirituelle, d’abord auprès du cheikh Hammad Al Dabbas, puis du grand maître de l’époque, le cheikh Al Moubarak Sa’id. Il y avait alors une grande rivalité entre les tenants du fiqh et les tenants de l’école spirituelle : les soufis. Il est vrai que nombre d’entre eux s’écartaient de la tradition prophétique, les uns méprisants les autres. Aussi, bien qu’Al Jilani soit totalement sincère dans sa démarche, les aspirants dans la voie spirituelle voyaient d’un mauvais œil qu’un juriste se mêle à eux, tout comme les juristes répugnèrent le fait qu’il consacre du temps au tasawwouf. Il parvint cependant à concilier le meilleur des deux disciplines, et à en extraire les déviances, alliant à la perfection l’intellect au spirituel, et fit rapidement l’unanimité auprès des gens du savoir de Bagdad, toutes disciplines confondues. Il résumait sa pensée en ces termes : ‘Toute vérité pour laquelle la Législation ne témoigne point n’est qu’égarement. Envole-toi vers le Vrai en battant des ailes du Coran et de la Sounnah. Et présente-toi devant Lui, main dans la main avec le Messager d’Allah’ (Le secret des secrets). Parmi les savants qui lui succédèrent, nous retiendrons ce témoignage du cheikh al Islam Ibn Taymiyya : ‘Quant aux gens de la droiture parmi les itinérants qui cheminent vers Dieu, comme (…) Cheikh `Abd Al Qader Al Jilani et d’autres, ils refusent que l’itinérant fasse une entorse aux commandements et aux interdits. Au contraire, [ils exigent] qu’il applique les ordres divins et s’écarte des interdits jusqu’à sa mort. Et ceci est la vérité enseignée par le Coran et la Sounnah, et le consensus des prédécesseurs. Et cela revient souvent dans leurs paroles’.
À la suite d’un long cheminement, et après avoir obtenu l’approbation des grands savants de Bagdad, l’Imam ‘Abd Al Qader Al Jilani se mit à dispenser ses propres enseignements, réconciliant ainsi le droit et la spiritualité, en prouvant que les deux disciplines n’étaient pas contradictoires, mais bien complémentaires, et que l’une sans l’autre n’est qu’une pâle représentation de l’Islam authentique. Il exhortait ses élèves à peser chaque acte à la lumière du Coran et de la Sounnah, et dans le même temps il s’appliquait à leur enseigner l’amour d’Allah, et le renoncement à l’amour des choses de ce bas-monde. Des milliers de gens assistaient à ses leçons, et des milliers d’autres embrassèrent l’islam par sa cause, convaincus par sa piété et sa sincérité, ce qui lui valut le titre de Mouhyiddin, le vivificateur de la religion.
Son élévation spirituelle, son immense savoir et son détachement du bas-monde ont fait de lui l’un des plus grands saints de l’Islam. Tous les savants s’accordent sur le fait qu’il ait été à l’origine de nombreux prodiges (karamat), ce qui prouve sa sainteté et sa proximité avec Allah. Il existe malheureusement beaucoup d’exagérations dans les histoires et les propos qui lui sont attribués, dont la plupart ne sont que des mythes et des légendes, et qui vont souvent à l’encontre de ses propres enseignements.
Le prodige le plus éclatant qui lui revient sans aucun doute est que Dieu a fait de lui une cause de guidance pour de nombreuses personnes, et cela même après sa mort.