5:55 - Dimanche 22 décembre, 2024

- 20. Jumādā al-Ākhira 1446

Réunir les hadiths portant sur un même thème


Énoncé des textes

Le Prophète (paix et salut sur lui) a dit : Il est trois catégories d’individus auxquels Dieu n’adressera pas la parole le jour de la résurrection, sur lesquels Il ne portera pas un regard, qu’Il ne purifiera pas et qui subiront un supplice douloureux (…) celui qui laisse traîner son manteau, celui qui se vante de ses bonnes actions et celui qui écoule sa marchandise avec de faux serments [Mouslim]. Il dit aussi que celui dont le izar (pièce de tissu que les Arabes utilisaient alors pour couvrir le bas du corps) dépasse la cheville, cela est dans le feu [Al Boukhari]. Une autre fois, l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) ordonna par deux fois à un homme qui venait de faire sa prière et dont le vêtement descendait sous la cheville de refaire ses ablutions. Lorsqu’on l’interrogea à ce sujet, le Prophète (paix et salut sur lui) dit : il priait en laissant traîner par terre son vêtement, et Dieu n’accepte pas la prière de quiconque prie et dont les vêtements dépassent la cheville [Aboud Dawoud : daïf].

Selon ces hadiths d’apparence clairs et explicites, il semble évident qu’il est interdit – pour l’homme musulman – de porter un vêtement qui dépasse la cheville. Pourquoi donc ? Et bien parce qu’à l’époque du Prophète (paix et salut sur lui), les Arabes païens se pensant nobles de par leur lignée ou leur fortune, avaient coutume de porter des vêtements trainant derrière eux sur le sol, et ce pour montrer leur rang important.

Une priorité dans la religion ? 

Aussi, certains parmi nos jeunes ont pris ces hadiths au pied de la lettre et ont donné à ce sujet une importance capitale, au point de faire de cette question – est-ce que le musulman porte ou non des vêtements qui dépassent ses cheville ? – un critère de distinction des vrais musulmans, ceux qui suivent le chemin des pieux anciens (minhaj al salaf al salih), et qui suivent vraiment la Sounnah. On a même vu parfois certains d’entre eux accueillir celui que Dieu a guidé et qui revient tout juste à la religion, en l’abordant avec ce sujet et en lui expliquant qu’il allait devoir (faire) rapiécer tout ses vêtements pour qu’il se conforme à la Sounnah !!! Est-ce que Dieu a abordé l’humanité avec ce genre de sujet ?! Ô que non ! Ce commandement n’est pas mentionné dans le Coran, ce qui prouve qu’il ne s’agit aucunement d’un thème majeur ou prioritaire. Quant à la Sounnah, outre les quelques hadiths cités plus haut, d’autres hadiths viennent apporter plus de précisions à la règle mentionnée juste au-dessus.

Ce que visent ces textes ?

Notre religion est loin d’être stupide, et Dieu est loin de toute injustice – Exalté soit-Il ! – pour châtier une personne sous le seul prétexte de la longueur excessive de l’habit qu’elle porte. Ce qui est visé dans ces textes et qui justifie la menace du châtiment ou la non-acceptation de la prière, c’est l’orgueil, la vanité, l’arrogance, l’attitude hautaine vis-à-vis de son prochain qui peuvent accompagner celui qui dans ce contexte et cette époque portait ainsi ces vêtements. Celui qui a nettoyé son cœur de ces tares et qui, pour une nécessité, un besoin, ou tout simplement pour suivre la coutume des gens de l’époque et du milieu dans lequel il vit, laisse traîner son vêtement sous la cheville, n’est pas concerné par cette menace.

Réunir les textes pour les comprendre

Qu’est-ce qui nous permet de dire cela ? D’autres hadiths plus détaillés sur le sujet et qui mentionnent la vanité et l’ostentation comme les raisons de l’interdiction. Citons par exemple celui-ci : Celui qui laisse traîner son vêtement par vanité et orgueil, Dieu ne le regardera pas le jour de la résurrection [Al Boukhari]. L’Imam Al Nawawi dit ainsi : l’homme qui fait traîner son habit désigne l’homme qui le fait par vanité, comme le confirme le hadith [rapporté par Mouslim] : ‘Dieu ne regardera pas celui qui laisse traîner son habit par vanité’, c’est-à-dire par orgueil. Cette précision restreint la portée générale de l’expression ‘l’homme qui fait traîner son habit’ et démontre que ceux qui sont concernés par la menace du châtiment sont les gens qui font traîner leur vêtement par vanité. En effet, le Prophète (paix et salut sur lui) a explicitement permis à Abou Bakr Al Siddiq de laisser traîner son vêtement en lui disant : ‘Tu n’es pas parmi ceux qui le laissent traîner par vanité’ [Charh Sahih Mouslim]. Le hafidh Ibn Hajar dit dans Fath el Bari (commentaire du Sahih d’Al Boukhari) : ces hadiths indiquent que faire traîner son vêtement sous la cheville par vanité est un péché majeur. Quant à le faire traîner pour une autre raison, le sens littéral des hadiths paraît indiquer que c’est également illicite, mais Al Boukhari s’appuie sur les précisions apportées par les autres hadiths liant cela à la vanité pour comprendre que la condamnation formulée en des termes généraux du fait de laisser traîner son vêtement doit être interprétée comme étant liée à une condition de sorte que laisser traîner son habit n’est pas illicite si cette action est exempte de vanité. L’érudit malikite,Ibn ‘Abd El Barr, dit quant à lui : on comprend que la menace du châtiment ne concerne pas celui qui laisse traîner son vêtement pour une autre raison que la vanité… 

Conclusion

Il ne faut pas baser son jugement ou tirer des conclusions hâtives sur un sujet sans avoir réuni au préalable tous les textes qui s’y rapportent, afin de parvenir à une compréhension correcte et de découvrir la sagesse et la profondeur qui se cachent derrière les prescriptions Divines. Nous voyons au travers de cet exemple que ce qui est condamné au-delà du morceau de tissu qui dépasse la cheville, c’est bien l’orgueil et la vanité. Ayant bien compris le sens profond du hadith, nous serions désormais en droit de nous poser la question suivante : qu’en est-il de celui qui raccourcit son vêtement et qui, parce qu’il pense être le partisan de la Sounnah, marche avec vanité, et se montre hautain vis-à-vis d’autrui ? Dieu acceptera-t-Il la prière d’une telle personne et la regardera-t-Il le Jour du Jugement ?


Rubrique: Bien comprendre la Sounnah