L’Imam al Boukhari rapporte d’après Abou Hourayra – Qu’Allah lui accorde pleine satisfaction – que le Prophète (saws) a dit : Allah le Très Haut dit : « Quiconque déteste l’un de Mes élus, Je lui déclarerai la guerre. Mon serviteur ne peut se rapprocher de Moi que par ce que Je lui ai prescrit, et c’est ce que J’aime le plus. Puis Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi en accomplissant des œuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Dès lors que Je l’aime, Je deviens sa vue avec laquelle il voit, son ouïe qui lui permet d’entendre, sa main par laquelle il saisit, ses jambes au moyen desquelles il marche. S’Il me demande quoi que ce soit, ou qu’Il sollicite Ma protection, Je lui accorde aussitôt. Je n’hésite en rien comme J’hésite dans le fait de faire mourir le croyant, car celui-ci déteste la mort et Je déteste le faire souffrir »
Ce hadith est illustre en bien des aspects. Il évoque le statut particulier de cette « caste » des « élus », des « protégés », des « favoris », des « bien-aimés » d’Allah le Très Haut. Tous ces qualificatifs renvoyant à la définition du « waliy » tel que défini dans cet énoncé.
Le « waliy » n’est pas un « chanceux » qui serait né avec ce statut ou l’aurait hérité de parents pieux. Le waliy est un homme ou une femme qui a bien compris sa religion, qui s’est instruit des commandements d’Allah et de Ses interdits pour pratiquer les premiers et s’écarter des seconds.
On ne peut adorer Allah autrement que par la voie de ce qu’Il a révélé à Son dernier Prophète Mohammad (saws). C’est là la façon de L’adorer qu’Il aime le plus, et la seule qu’Il accepte : « la religion auprès d’Allah est l’Islam », « Quiconque cherche un autre chemin que l’Islam, (son œuvre) ne sera pas acceptée et il sera dans l’au-delà a nombre des perdants ». L’Islam c’est ce qu’Allah a révélé dans le Coran et ce qui nous a été rapporté d’authentique des enseignements du Prophète (saws) dans la Sounnah purifiée. Omar confirme que la meilleure adoration consiste à pratiquer les obligations et à s’écarter des interdits.
Les obligations et les interdits touchent aussi bien le volet cultuel (prières, jeûne, aumône, pèlerinage…) que les côtés éthique, moral, les relations interpersonnelles (mariage, divorce, transactions…). Nous ne devons pas avoir une approche restrictive en nous focalisant uniquement sur la dimension pratique, en oubliant l’éthique tel la bonté envers les parents, les enfants, les conjoints, les proches, les voisins, le fait d’avoir de bonnes paroles envers les gens, le respect des engagements etc.
Ce que montre également cette parole est que l’accomplissement des obligations en délaissant les interdits, est une chose très grande et même suffisante pour que la personne obtienne la Miséricorde d’Allah et soit autorisée à entrer au Paradis. De nombreux textes confirme ce point.
Ceci dit, le waliy ne peut en rester là. Jour après jour, il cherche à parfaire son œuvre et l’augmenter. Il progresse et fait preuve de constance dans cette progression. Il ne s’empresse pas et agit avec pondération, en respectant les étapes et les priorités, en augmentant le niveau petit à petit. On a dit que l’œuvre la plus aimée du Prophète (saws) est « celle qui était faite avec persévérance, même si elle était minime ». Encore une fois les œuvres surérogatoires peuvent concerner les prières évidemment, ou le jeûne ou l’aumône ; mais il peut aussi s’agir d’efforts au-delà du minimum obligatoire dans les relations avec les gens, les visites aux malades, l’aide aux démunis, l’assistance aux veuves et aux orphelins, l’apprentissage ou l’enseignement de toute connaissance utile etc…
En agissant de la sorte, le simple croyant développe ces deux qualités que sont la foi et la piété, et s’élève petit à petit dans les degrés de proximité spirituelle avec Allah le Pur, le Saint, l’Exalté, jusqu’à dépasser un certain seuil au-delà duquel il reçoit ce titre honorifique de waliy. Titre qu’il devra désormais conserver et développer davantage en poursuivant sa route.
Ce chemin demande obligatoirement du temps, c’est un sous-entendu de ce hadith. Cela peut prendre des années ou des dizaines d’années. Celui qui pense parvenir à ce degré en quelques semaines ou mois ou en un ou deux ans se trompe lourdement.
Allah nous décrit ensuite les « superpouvoirs » accordés au waliy. Il n’est pas celui qui fait parler les morts, vole dans le ciel, ou marche sur l’eau. Il est celui qui suit scrupuleusement le chemin droit, observant intelligemment la Sounnah de l’Imam des Awliya (pluriel de waliy), notre saint Prophète (saws). Le waliy se verra dôté d’une protection toute particulière de la part d’Allah le Très Haut qui anéantira tous ceux qui lui voudront du mal, et qui préservera chacun de ses organes – une autre version du hadith évoque également le cœur et la langue – de ce qu’Il n’aime pas et les orientera à la pratique de ce qu’Il aime. Par ailleurs, Allah accordera à son waliy tout ce que celui-ci lui demandera, étant entendu que le waliy ne saurait, de par son savoir et sa sagesse, réclamer ce qui déplaît à Son Seigneur, Béni et Exalté soit-Il.
Le summum des biens accordés au waliy est le fait d’être aimé d’Allah le Très Haut, le Très Majestueux. Nous l’avons déjà dit : Allah, tout Dieu et Maître des Mondes qu’Il est, est Aimant et Miséricordieux. Il a affirmé dans le Coran : « Ceux qui ont cru et fait de bonnes choses, le Seigneur leur accordera Son amour ». Le Prophète (saws) implorait l’Amour du Tout Miséricordieux et invitait les musulmans à en faire de même, répétant l’invocation qu’il a attribué à David : « Ô Mon Dieu, je Te demande Ton amour, l’amour de ce que Tu aimes, et l’amour des œuvres qui mènent à Ton amour – car, on ne peut parvenir à l’amour Divin sans œuvres ! – Ô Mon Dieu, fais que Ton amour me soit plus cher que tout : ma vie, ma famille, mes biens et l’eau fraîche lorsque je suis assoiffé ». On a également cette autre invocation en l’attribuant au prophète David : « Ô Mon Dieu, accorde-moi Ton amour, car dès lors que Tu aimes une personne, Tu accepteras nécessairement son œuvre si misérable soit-elle et Tu pardonneras forcément ses fautes, fussent-elles immenses ». Par ailleurs, l’envoyé d’Allah (saws) nous a informé que lorsqu’Allah aime une personne Il le fait savoir à l’Ange Gabriel qui aime alors aussitôt ce waliy et qui fait l’annonce auprès des habitants des cieux de l’amour d’Allah pour Un- (ou Une) tel. Les habitants des cieux aiment alors le bienheureux, qui se verra partout respecter sur Terre, y compris de ses ennemis !
Enfin, le hadith se termine en évoquant le fait qu’Allah, bien qu’Il connaisse absolument tout, et que l’aboutissement des choses n’est pour Lui aucunement un mystère, Lui dont les actes sont parfaits et sages ; Il « hésite » cependant à mettre un terme à la vie du waliy qui de par son humanité redoute et souffre de la mort, tandis qu’Allah de par Son amour pour lui ne veut pas le faire souffrir. Pour autant le décret qu’Allah a fixé doit s’exécuter malgré tout. C’est cette « opposition » entre les volontés absolues et relatives d’Allah qui explique ce terme « d’hésitation » comme l’a brillamment expliqué Ibn Tayymiya.
Comment finalement ne pas désirer être parmi ces « chanceux » qui jouissent de l’Amour du Très Haut, amour qui conduit inexorablement au Bonheur réel dans cette vie et dans l’autre ? Comment ne pas retrousser ses manches et se mettre en route dans le sentier tracé par ce hadith invoquant Allah dans chacune de nos prières, dans l’une au moins de nos prosternations : « Ô Allah je Te demande Ton amour… » ?