De nos jours, pour quiconque désirant posséder les différents recueils de traditions prophétiques, une simple commande chez un libraire spécialisé suffit pour que sa demande soit réalisée. Il est cependant important de prendre conscience du trésor incommensurable que renferment ces livres qui ont nécessité des efforts de toute une vie. Ces livres qui portent le nom de sahîh, sunân, musnad, ont une histoire que nous ignorons bien souvent mais qui donnerait fort à réfléchir sur les précautions à prendre quand on rapporte un propos ou un acte du Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui. Nous traiterons dans cet article de l’histoire de la codification du hadith jusqu’au 2ème siècle de l’hégire.
Dans son apparence un hadith se compose d’un isnâd (chaîne de rapporteurs) et d’un matn qui est un texte contenant un propos ou relatant un fait. Dans le fond, le hadith est d’après la définition du juge hanafite Abou al Baqâ’ : l’ensemble des informations contenant les paroles et les actes, mais également la confirmation ou la tolérance adoptées par le Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui. Il se subdivise en deux catégories : le hadith qoudsî (Divin) et le hadith charîf. Le premier se caractérise par le fait que le sens est proprement Divin alors que l’expression est celle du Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui (ce qui fait la différence avec le Coran dont le sens et l’expression sont de nature divine). Le second renferme uniquement les propos ou les actes du Prophète, paix et salut sur lui.
La mise par écrit des hadiths commença dès l’époque des compagnons, que Dieu les agrées : en effet d’après Ahmed, le Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui, autorisa Abdallah ibn Amr ibn al ‘As à les mettre par écrit. Même s’il est vrai que certains hadiths laissent entendre l’interdiction de le faire, des juristes admettent qu’il s’agit très probablement d’une interdiction temporaire qui fut abrogée par la suite et dont la finalité première était de ne pas les confondre avec le Coran. Ibn Hajar dans Fath al Bârî nous assure qu’Al Boukhari ne trouva pas digne de confiance les hadiths portant sur la question ; il a d’ailleurs inclus spécialement un chapitre dans son Sahîh qui s’intitule : Chapitre sur la mise par écrit de la science. Certains compagnons consignaient les hadiths entendus de la bouche du Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui sur des feuilles en parchemin que l’on nommait al Sahîfa ; Anas ibn Mâlik nous rapporte que tout ce qui était entendu de la bouche du Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui, était transmis à ceux qui n’avaient pu être présent au moment du dire.
Par conséquent même si le premier siècle est largement dominé par la dimension orale du hadith, celui-ci se retrouve également en partie fixé par écrit. Comme nous l’avons mentionné dans notre article sur les Omeyyades (2/3) c’est sous le califat de Omar ibn ‘Abd al Azîz qu’une impulsion nouvelle va naître ainsi que l’engouement de codifier la tradition prophétique. Le passage de l’oral à l’écrit en matière de hadith peut être comparé, dans une certaine mesure, au processus de fixation du Coran. Parmi la génération des suivants, le plus éminent précurseur en matière de compilation des hadiths est Ibn Shihâb al Zuhrî (m. en 104/723) dont le recueil a été perdu. On notera qu’au 2ème siècle de l’hégire les grands noms de ce que l’on appellera la science du hadith sont à la Mecque Soufyân ibn ‘Ouyayna, à Médine Rabi’ ibn Soubaïh, à Basra Hammad ibn Salama, à Koufa Soufyân al Thawrî, en Syrie Al Awza’î, au Khourasân Ibn al Moubârak. Tous ces éminents savants ont dégagé le terrain et préparé les matériaux nécessaires à l’élaboration des grands corpus qui verront le jour entre le milieu et la fin du 3ème siècle de l’hégire. Le premier recueil de hadith qui verra le jour au 2ème siècle et qui est également un traité de jurisprudence sera al Mouwattâ’ de l’imam Mâlik. On rapporte que lorsque l’Imam voulait parler des hadiths, il faisait ses ablutions, se parfumait, mettait des habits neufs et son turban par respect envers le Prophète, la prière et le salut de Dieu sur lui. À méditer.
Et Dieu sait mieux…