Comme nous l’avons vu dans le numéro précédent, connaître Allah est le plus noble article de notre profession de foi. Quant aux Attributs Divins, nous y croyons tels qu’ils ont été révélés au sein du Livre et comme rapportés par notre Prophète, sans chercher à les interpréter ou à les nier. « Il n’y a rien qui lui ressemble ; c’est Lui Qui entend et Qui voit » [42;11].
Cependant certains Attributs, mentionnés dans nos principales sources que sont le Coran et la Sounnah, peuvent être considérés comme « équivoques ». Nous en trouvons par exemple au sein du verset suivant: « Béni soit Celui dans la Main de qui est la royauté ; et Il est Omniscient » [67;1]. Quelques personnes pourraient être amenées à se demander si Dieu a une main comme celles des êtres humains ? Qu’est-ce que cela signifie ? Quelle attitude le musulman doit-il avoir face à ces textes ?
Les Compagnons du Prophète, qu’Allah soit satisfait d’eux, ne se sont jamais posés de telles questions. Ils ont compris que les réponses à ces questions ne pouvaient émaner que du cœur de l’individu qui vénère son Seigneur avec ferveur et soumission et ne peuvent être exprimées avec des mots. Ils ont également compris que la raison humaine ne peut en aucune manière comprendre parfaitement la réalité des Attributs, car il est impossible de les imaginer sous une forme ou une autre. C’est alors que toutes les représentations physiques s’estompent dans nos esprits. Cet avis qui invite à y croire sans chercher à les interpréter ni essayer d’en trouver une quelconque signification est partagé par la grande majorité des savants.
Dès le 3ème siècle de l’Hégire, sous l’influence de la théologie spéculative (kalam) et plus tard de la philosophie grecque, d’autres auteurs adoptèrent une autre approche consistant à interpréter les versets équivoques par la raison et la spéculation ; c’est le cas par exemple du courant de pensée ‘acharite. Selon eux il serait préjudiciable de ne pas y donner une interprétation car il existerait un risque notoire que certains tombent dans l’anthropomorphisme (donner à Dieu une forme humaine) au vu des interprétations injustes et erronées qu’en ont fait certaines traditions religieuses. En interprétant le verset où Allah dit : « Et j’ai répandu sur toi une affection de Ma part, afin que tu sois élevé sous Mon œil » [20;39], ils décidèrent de donner aux mots des charges sémantiques en expliquant le terme « œil » de ce verset coranique par « la sollicitude et la protection ». Ou encore le terme « main » dans la sourate Sad : « Ô Iblis ! qui t’a empêché de te prosterner devant ce que j’ai créé de Mes mains » [38;75] qui est interprété par la « puissance »Divine.
Autrefois ces échanges intellectuels étaient exclusivement réservés aux hommes de science mais malheureusement nous avons à faire aujourd’hui à des factions ignorantes qui se sont invitées et emparées du débat pour semer le désarroi et le trouble dans certains esprits naïfs. Ils ont même réussi à dérouter certains musulmans. Il nous suffit de leur répondre par le verset suivant : « C’est Lui qui t’a révélé le Livre, enfermant des versets explicites, formant l’essence même des Écritures, et d’autres à sens équivoques. Ceux dont les cœurs sont corrompus suivent ce qui est équivoque par goût du schisme et désir d’interprétation tendancieuse. Dieu Seul, cependant, en connaît le vrai sens. Les vrais initiés se bornent à dire : « Nous ne pouvons qu’y croire. Tout procède de notre Seigneur » [3;7].
Enfin nous disons qu’Allah s’est donné beaucoup de qualificatifs dont il nous est parfois difficile de saisir l’entière signification ou de percer le secret. Un poète tint ces propos d’une grande beauté : Notre raisonnement finit toujours par se heurter à des obstacles. Et dans nos réflexions nous n’aboutissons qu’à des impasses. Ce que nous tirons de nos recherches se limite à des opinions glanées à droite et à gauche. Que d’hommes ont pu atteindre la crête des montagnes ! Celles-ci demeurent, les hommes trépassent.
Ainsi, pour exemple, si l’on dit qu’Allah entend et voit tout, cela n’implique pas que ces actes s’accomplissent avec des oreilles et des yeux comme les nôtres. Dans tous les cas, nous devons toujours avoir présent à l’esprit le fait qu’il ne faut jamais établir de parallélisme entre Dieu et Ses créatures. La position la plus juste serait de se ranger du côté des premières générations de l’Islam c’est-à-dire d’accepter sans discussion les versets coraniques et les dires du Prophète (Paix et Salut sur lui) qui abordent ce sujet. Et certes « on ne vous a donné que peu de connaissance » [17:85].
