Allah le Très Haut fait dire à son Prophète, paix et salut sur lui : Fuyez [firrou] donc vers Allah. Moi [Mohammad], je viens de sa part vous avertir clairement [51;50], c’est-à-dire laissez ce qu’Allah n’aime pas, n’y épuisez pas votre énergie, et n’y perdez pas votre temps, et accourez plutôt vers ce qu’Il aime et qu’Il agrée ; renoncez à Lui désobéir et répondez à Son appel en suivant la voie claire et droite tracée par Son Prophète, paix et salut sur lui ; quittez l’état d’insouciance et d’insoumission pour rejoindre la caravane de ceux qui cheminent vers Lui et obéissent à Ses commandements. Il dit aussi– Exalté soit-Il : C’est Lui qui fait descendre sur Son serviteur [Mohammad] des versets clairs [le Coran], afin qu’il vous fasse sortir [akhradja] des ténèbres à la lumière ; et assurément Allah est Compatissant envers vous, et Miséricordieux [57;9]. Ce mouvement de ‘sortir des ténèbres à la lumière’ représente le cheminement spirituel de la personne qui embrasse l’Islam, qui quitte un état de méconnaissance d’Allah et de Ses enseignements pour Le reconnaître comme Seul Dieu et L’adorer. Et ce mouvement est perpétuel, et ne s’arrête pas au moment de la conversion ou du retour à la religion : Lumière sur lumière, Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah sait tout [24;35]. Cette ‘émigration spirituelle’ de l’incroyance ou de l’ignorance vers la foi véritable, du mauvais comportement vers la vertu, des traditions infondées vers l’observation de la Tradition prophétique [Sounnah], de la non-adoration d’Allah à son culte exclusif constitue une étape obligatoire pour tout musulman, homme ou femme, jeune ou vieux, riche ou pauvre. C’est en ce sens que l’Envoyé d’Allah, paix et salut sur lui, a dit que l’émigré [al mouhajir] est celui qui a délaissé [hajara] ce que Allah a interdit [Al Boukhari] ou encore que l’émigré est celui qui a délaissé les fautes morales et les péchés [Ibn Majah auth. Al Boussayri].
Il est également une nécessité pour le croyant, dans la limite de ses possibilités, de s’écarter de qui appelle sur lui la colère Divine, en accomplissant des actes répréhensibles ou en tenant des propos infâmes, dès lors qu’il est incapable d’empêcher cela ou de le réprouver verbalement. En effet, Allah dit : Lorsque tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets [et s'en moquent], éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier [ce commandement], alors dès que tu te rappelles, ne reste pas avec ces injustes [6;68].Donc si le croyant peut intervenir et prendre la parole pour empêcher le mal, sans risquer de provoquer un mal plus grand, il doit le faire. S’il en est incapable, il doit alors quitter la mauvaise assemblée jusqu’à que le mal cesse et c’est ce dont fait mention le verset cité ci-dessus. Si enfin, sa situation ne lui permet pas de s’en aller physiquement, qu’il prenne alors moralement ses distances, l’Envoyé d’Allah, paix et salut sur lui, disant : Lorsque le mal est commis sur Terre, celui qui y assiste mais le réprouve en son for intérieur est comme celui qui en était éloigné. À l’inverse, celui qui en était éloigné mais s’en réjouit est comme celui qui y a assisté [Abou Dawoud, Hassan].
Le troisième et dernier type ‘d’émigration religieuse’ [hijratou-lillah], se traduit par un déménagement physique et matériel d’un endroit à un autre pour un motif religieux. Cette émigration physique procède et est la conséquence de l’émigration spirituelle. Abraham [Ibrahim] dut ainsi ‘émigrer’ de son foyer familial lorsque son père, qui ne supportait plus la croyance de son fils, l’y contraint : Ô Abraham, méprises-tu mes dieux ? Si tu ne cesses pas, certes je sévirai contre toi, éloigne-toi de moi pour bien longtemps. * Paix sur toi, dit Abraham, j’implorerai mon Seigneur de te pardonner car Il a m’a toujours comblé de Ses bienfaits. * Je me sépare de vous, ainsi que de ce que vous invoquez, en dehors d’Allah, et j’invoquerai mon Seigneur. J’espère ne pas être malheureux dans mon appel à mon Seigneur [19;46 à 48]. Ensuite, il dut émigrer de son pays vers un autre, après que son peuple ait rejeté son message et ait attenté à sa vie. Il dit : Moi, j’émigre vers mon Seigneur et Il me guidera [37;99], ce qui signifie que son émigration spirituelle était à la fois la cause et l’objectif de son émigration physique : son peuple l’a persécuté à cause de sa ‘conversion’ jusqu’à ce qu’il ne put plus vivre et prêcher librement sa foi, ceci l’obligea donc à quitter cette région afin de pouvoir poursuivre son cheminement spirituel. Il fut suivi dans son exil par Lot : Lot crut en lui. Il dit : Moi, j’émigre vers mon Seigneur, car c’est Lui le Tout Puissant, le Sage. [29;26].Des siècles plus tard, c’est Moïse qui dut, avec son peuple fuir le royaume de Pharaon, ses persécutions et ses discriminations, afin de pouvoir vivre librement selon les préceptes Divins. Encore une fois, cet exode n’était pas seulement un voyage du corps, d’un pays vers un autre, mais aussi et surtout, un voyage de l’âme de l’asservissement aux créatures au service du Seul Créateur. Le Coran confirme cela : Nous avons certes, envoyé Moïse avec Nos miracles : Fais sortir ton peuple des ténèbres vers la lumière… [14;5], or ce voyage des ténèbres vers la lumière est bien sûr celui du cœur comme nous l’avons déjà mentionné. Enfin, cette émigration physique fut accomplie une première fois par quelques uns des disciples de Mohammad, paix et salut sur lui, vers l’Abyssinie chrétienne [actuelle Éthiopie] durant la période mecquoise. Ainsi, un groupe composé de moins d’une centaine, de femmes et d’hommes, fut autorisé par le Prophète, paix et salut sur lui, à quitter la Mecque où ils étaient persécutés, pour trouver refuge dans le Royaume du Négus. Il est intéressant de constater que ces premiers émigrés furent contraints de quitter leur Imam qu’était l’Envoyé d’Allah, paix et salut sur lui, et le reste des musulmans, afin de vivre sereinement leur foi dans un pays où il n’y avait pas de musulman. Le seul but de cet exode était pour eux d’obtenir la liberté d’exercer ouvertement leur culte et de fuir les persécutions. Le Prophète, paix et salut sur lui, quant à lui, demeura à la Mecque avec la majorité des musulmans, continuant d’affronter les épreuves et persévérant dans sa prédication malgré les difficultés ô combien grandissantes. Quelques années plus tard, Allah révéla à Son Prophète, paix et salut sur lui, l’obligation de quitter la Mecque pour rejoindre Médine, dont une partie des habitants s’étaient convertis à l’Islam. Comme dans le cas d’Abraham, de Moïse et de leurs partisans respectifs, cette émigration physique des premiers musulmans ne fut que la conséquence de leur cheminement spirituel et n’avait d’autre objectif que de leur permettre de poursuivre celui-ci. Elle eut lieu au moment voulu par Allah, après qu’ils aient fait de nombreux efforts et sacrifices pour propager la religion d’Allah auprès de leurs familles et de leurs concitoyens. Allah dit à leur sujet : Et ceux qui pour Allah ont émigré après avoir subi des injustices, Nous les installerons dans une situation agréable dans la vie d’ici-bas. Et le salaire de la vie dernière sera plus grand encore s’ils savaient ! * Eux qui ont enduré et placé leur confiance en leur Seigneur [16;41,42].
Et Allah sait mieux.