20:10 - Samedi 21 décembre, 2024

- 19. Jumādā al-Ākhira 1446

L’amour du « bas-monde »


Allah Exalté dit : Quiconque a renié Dieu après avoir cru… – sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi – mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’infidélité, ceux-là ont sur eux une colère de Dieu et ils ont un châtiment terrible. Il en est ainsi, parce qu’ils ont aimé la vie présente plus que l’au-delà. Et Dieu, vraiment, ne guide pas les renégats [16;106-107]. Dans ce verset, Dieu blâme ceux de ses serviteurs qui ont aimé le bas-monde de manière démesurée : c’est à dire qu’ils ont donné préférence à cette vie éphémère et imparfaite, plutôt qu’à celle du Paradis : Mais, vous préférez plutôt la vie présente, alors que l’au-delà est meilleur et plus durable [87;16-17]. Voilà donc ceux qui n’ont su tirer profit des sens que Dieu a mis à leur disposition et qui auraient dû leur permettre de bien analyser le monde qui les entoure et de faire les bons choix : Voilà ceux dont Dieu a scellé les cœurs, l’ouïe, et les yeux. Ce sont eux les insouciants. Et nul doute que dans l’au-delà, ils seront les perdants [16;108-109]. Ceci étant, nous arrivons à la fin de  notre étude sur le thème de l’amour en Islam. Nous traiterons ici de l’amour du bas-monde en abordant tout d’abord la notion du renoncement : comment celui-ci a été réalisé par le Prophète (paix et salut sur lui) et ses compagnons, puis par les dernières générations innovant en la matière. Dans un second temps, nous verrons brièvement ce qu’il est permis d’aimer dans ce que la vie d’ici-bas nous offre et ce à quoi il ne nous est pas permis de nous attacher.

Ceci dit, les textes du Coran et de la Sounnah ainsi que les récits biographiques des compagnons tendent à dévaloriser le bas-monde, la vie de quelques décennies que nous vivons sur la Terre. Allah dit : Sachez que la vie présente n’est que jeu, amusement, vaine parure, une course à l’orgueil entre vous et une rivalité dans l’acquisition des richesses et des enfants. Elle est en cela pareille à une pluie : la végétation qui en vient émerveille les cultivateurs, puis elle se fane et tu la vois donc jaunie ; ensuite elle devient des débris [57;20]. Aussi, voit-on dans cette parabole l’exemple de l’être humain qui dans la fleur de l’âge jouit de toutes capacités intellectuelles et physiques etc. puis, voit finalement ces dernières décroître jusqu’à ce qu’il meurt et devienne poussière. Et les générations passent ainsi les unes après les autres, la plupart des gens mourant sans laisser de traces : N’ont-ils pas vu combien de générations, avant eux, Nous avons détruites, auxquelles Nous avions donné pouvoir sur terre, bien plus que ce que Nous vous avons donné ? Nous avions envoyé, sur eux, du ciel, la pluie en abondance, et Nous avions fait couler des rivières à leurs pieds [6;6]. Le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) nous apprend quant à lui que ‘la différence entre ce bas-monde et l’autre est comparable à l’eau qu’une personne, plongeant son doigt dans la mer, pourrait en retirer’ [Mouslim]. L’eau qui reste sur le doigt de cette personne représente la vie d’ici-bas que nous vivons et l’eau de l’océan représente la vie de l’au-delà. Quant au sceptique que ces textes ne suffiraient pas à convaincre, nous le renvoyons à ce que nous a appris la science moderne : notre existence d’une centaine d’années tout au plus n’est vraiment rien comparée à celle d’un univers et d’étoiles vieux de plusieurs milliards d’années. Quant à la Terre que nous peuplons et pour la possession de laquelle les êtres humains se disputent et s’entretuent parfois, elle n’est qu’une petite planète au sein d’une galaxie qui en compte des milliards et au sein d’un univers composé de millions de galaxies souvent plus grandes que la nôtre ! Voici donc des données vérifiables confirmant les affirmations coraniques et prophétiques. Aussi, ayant pleinement conscience de tout cela nous comprenons mieux pourquoi pour Dieu qui a créé cet univers immense, cette vie terrestre n’a pas beaucoup plus de valeur que l’aile d’un moustique ! [Mouslim]. Nous comprenons également pourquoi et comment l’Envoyé d’Allah (paix et salut sur lui) a totalement préféré l’au-delà au bas-monde. Et c’est ainsi qu’il a éduqué ses compagnons. Jabir nous rapporte qu’un jour le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) traversa le marché qui était bondé. Il passa devant un chevreau misérable et mort. Il le saisit par l’une de ses oreilles et dit : ‘Qui de vous voudrait payer un dirham pour ce chevreau ?’ Les gens présents dirent : ‘Même si tu nous le donnais gratuitement, qu’en ferions-nous ?’ […] Puis il reprit : ‘Pour Dieu, ce bas-monde est certainement plus méprisable que ne l’est pour vous ce chevreau’[Mouslim].

Voilà donc comment l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) éduquait avec une grande pédagogie ses compagnons au travers d’exemples concrets. Une autre fois, Abdallah Ibn Mass’oud nous rapporte que le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) s’est couché sur une natte. À son réveil ses côtes portaient les traces de cette natte. Certains dirent alors : ‘O Messager de Dieu ! Que dirais-tu si nous t’achetions un tapis ?’ Et lui de répondre : ‘Mais qu’ai-je donc à faire avec ce bas-monde ? Je n’y suis que comme un cavalier qui se mit à l’ombre d’un arbre puis partit en le laissant’ [Al Tirmidhi, hassan-Sahih].

C’est fort de cette éducation que l’on vit les compagnons du Prophète prendre possession du bas-monde, à l’issue d’une lutte et d’un effort acharnés, sans rien en prendre pour eux ni pour leurs proches qui avaient eux aussi renoncé définitivement aux fastes de cette vie. Ceux-là mêmes qui avaient mis la main sur les trésors de Chosroes et de César, qui gouvernaient l’Arabie, le Yémen, l’Iraq, la Mésopotamie, la Perse et l’Egypte refusaient en même temps de vivre du Trésor public, ou n’en prenaient sinon que le strict nécessaire à leurs besoins vitaux : des chefs d’états se contentant du salaire minimum, et ne possédant parfois qu’un seul vêtement, vivant dans des chambres ne contenant pas même un lit, ou vivant d’un métier artisanal, à l’instar de Salman gouverneur de Perse qui vivait de la vente des paniers qu’il tressait lui-même ! Nous renvoyons nos lecteurs à l’étude de la vie des compagnons pour plus d’exemples.

Il fallait absolument que cette génération demeure pour la postérité une génération modèle et exemplaire quant à son renoncement au luxe et au superflu de cette vie. Ceci a contribué énormément à l’acceptation de l’Islam par des populations ayant été habituées à vivre sous la tutelle de rois excentriques ne se refusant aucun plaisir et vivant dans un luxe insolent.

Et Allah sait mieux !


Rubrique: L'amour dans l'Islam