Allah le Très Haut dit : Dis [ô Mohammad] : Voici ma voie, j’appelle [les gens] à Dieu, moi et ceux qui me suivent, nous basant sur une preuve évidente. Gloire à Dieu ! Et je ne suis point parmi les associateurs [12;108] ; Et qui profère plus belles paroles que celui qui appelle à Dieu, fait bonne œuvre et dit : Je suis parmi les musulmans [41;33]. À travers ces versets et d’autres, Allah ordonne à son Prophète paix et salut sur lui d’appeler les gens à Lui. Le Coran abonde d’exemples des appels des prophètes à leurs peuples et la Sira prophétique nous éclaire sur l’appel [da’wa] du Prophète Mohammad à son peuple et à l’ensemble de l’humanité. Aussi, la sourate Youssouf, que nous étudions cette année, relate comment Youssouf, rejoint en prison par deux employés du roi, fut sollicité par eux afin qu’il interprète des rêves que ceux-ci avaient faits ; et comment il saisit cette occasion pour les appeler à Allah de la meilleure manière :…Certes, j’ai abandonné la religion d’un peuple qui ne croit pas en Dieu et qui nie la vie future * et j’ai suivi la religion de mes ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob… [12;37-40].
Le savoir, un préalable à la prédication. Ceci étant, la mission de transmettre [al tabligh] le Message Divin et d’appeler les gens à Allah [al da’wa], est bien le travail des prophètes à travers l’histoire : Ô Messager, transmets ce qui t’a été révélé de la part de ton Seigneur. Si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son message [5;67].Après les prophètes, ce devoir communautaire [fard kifaya] incombe en priorité aux oulamas et à leurs élèves parmi les prédicateurs et les imams qui ont pris le temps d’étudier correctement leur religion afin d’en avoir une connaissance vaste et profonde. Allah le Très Haut dit : Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable, car ce seront eux qui réussiront [3;104]. Cela signifie, explique Ibn Kathir, qu’un groupe parmi les musulmans doit se spécialiser dans ce travail, et il s’agit bien des savants, selon Al Dahaak. Allah confirme dans un autre verset, que tout musulman n’a pas vocation à devenir un prédicateur [da’i], mais seulement ceux parmi eux qui ont étudié en compagnie des oulamas : Pourquoi de chaque clan quelques hommes ne viendraient-ils pas [auprès du Prophète paix et salut sur lui] s’instruire dans la religion, pour pouvoir à leur retour, avertir leur peuple afin qu’ils soient sur leur garde [9;122]. Ainsi, ces gens peuvent affirmer sans complexe : Voici ma voie, j’appelle [les gens] à Allah, moi et ceux qui me suivent, nous basant sur une preuve évidente… [12;108]. La preuve évidente dont parle le verset, c’est le savoir prophétique. Quant à celui qui n’est pas spécialiste, il appelle tout de même au bien, c’est-à-dire à suivre le Coran et la Sounnah prophétique, il recommande le convenable et dénonce le blâmable, selon son savoir, sans s’ériger en prédicateur et oriente vers plus savant que lui dans les sujets qui le dépassent : Demandez donc aux gens du savoir si vous ne savez pas [16;43].
La sagesse une autre condition. Allah dit : Par la sagesse et la bonne exhortation appelle [les gens] au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon… [16;125]. La sagesse est de savoir mettre chaque texte dans son contexte et savoir dans chaque situation quel texte s’applique et lesquels ne s’appliquent pas. La sagesse dont il est question ici, c’est également de savoir à qui l’on s’adresse et de quelle manière, comment lui présenter le message, par quoi commencer et dans quel ordre avancer. Lorsque l’Envoyé d’Allah paix et salut sur lui a envoyé Mouadh au Yémen, il lui dit : Tu vas te rendre auprès d’un peuple d’entre les gens du Livre, la première chose à laquelle tu les appelleras, c’est à reconnaître qu’il n’y a de dieu qu’Allah et que Mohammad est le messager d’Allah. S’ils te suivent sur cela, informe-les alors qu’Allah leur a prescrit cinq prières… [Al Boukhari & Mouslim]. Ainsi, le Prophète paix et salut sur lui a-t-il jugé bon de rappeler à son émissaire qu’il n’allait pas se rendre auprès d’un peuple adorateur d’idoles, mais auprès de gens du Livre, qui ont certaines connaissances et qui ont déjà certaines pratiques religieuses, aussi devra-t-il adapter son discours en conséquence. Ensuite, une deuxième chose importante à remarquer pour nous dans ce hadith est le fait qu’il y a un ordre à suivre : le tawhid présenté simplement, puis les prières obligatoires, sans parler du surérogatoire, puis la zakat obligatoire. Le prédicateur doit y aller étape par étape, en laissant les gens avancer à leur rythme, sans les brusquer. Cela requiert une grande sagesse et un grand sens pédagogique. À la fin de ce hadith, l’Envoyé d’Allah paix et salut sur lui met en garde Mouadh : S’ils t’obéissent, garde-toi de prélever [la zakat] de leurs biens les plus précieux, et préserve-toi de l’invocation de la personne lésée…, ce qui signifie que le prédicateur ne doit pas abuser de l’autorité que lui confère son rôle. Or on ne peut attendre cela que d’une personne sincère et sage comme l’était Mouadh !
Ne pas exagérer dans sa prédication. Allah a dit : Ainsi nous fîmes de vous une nation du juste milieu [2;143]. Or même dans la prédication certains exagèrent. Le da’i, l’enseignant, doit savoir abréger ses explications pour aller à l’essentiel en simplifiant les choses et en ne les rendant jamais compliquées, en faisant aimer la religion d’Allah et en évitant de verser dans les sujets de divergences, secondaires ou peu importants : Expliquez les choses simplement et ne les rendez pas difficiles, dit le Prophète paix et salut sur lui, attirez [les gens] et ne les faîtes pas fuir, et mettez vous d’accord et ne divergez pas [Al Boukhari & Mouslim]. Aussi, Joseph avait-il compris cela lorsqu’il prévint ses interlocuteurs, avant de commencer son prêche, que celui-ci ne durerait que quelques minutes, à l’issu desquelles il les informerait de l’interprétation de leurs rêves – ce qui était l’objet initial de leur sollicitation - : La nourriture qui vous est destinée ne vous parviendra pas [dit-il] avant que je ne vous ai avisés de l’interprétation de vos rêves, cela fait parti de ce que mon Seigneur m’a enseigné… [12;37]. Il continua en leur expliquant l’autre partie de ce que son Seigneur lui avait enseigné et qui était plus important que l’interprétation des rêves, à savoir le fait de n’adorer qu’Allah sans rien lui associer, critiquant intelligemment et subtilement le culte pernicieux qu’ils rendaient à leur roi, sans même s’en rendre compte : Ô mes deux compagnons de prison ! Qui est le meilleur ? des souverains éparpillés ou Dieu, l’Unique, le Dominateur suprême ? [12;39].
Saisir la bonne occasion relève également de la sagesse, à l’instar de Joseph qui profita du fait d’être sollicité pour sa faculté d’interpréter les rêves pour parler de l’Unicité d’Allah ou à l’instar du Prophète paix et salut sur lui en de nombreuses occasions comme cette fois où il vit la pleine lune, la veille de la bataille de Badr, et en profita, comme pour motiver ses compagnons, pour leur enseigner le dogme selon lequel, les croyants verront leur Seigneur de leurs yeux dans le Paradis [Al Boukhari & Mouslim]. Il y a des moments où les gens sont plus réceptifs et des occasions où ils peuvent accepter ceux qu’ils rejetteraient à un autre moment. Aussi, le da’i doit-il avoir la clairvoyance de savoir aborder les gens de la bonne manière et au bon moment.
Un bon comportement, une belle apparence et une bonne expression. Il est une sounnah, d’entre lessounan d’Allah, de choisir Ses messagers parmi les gens ayant à la fois de grandes qualités morales et une belle apparence. Il dit au sujet du Prophète paix et salut sur lui : tu es certes d’une moralité imminente [68;4]. Et il est un fait établi dans la Sounnah, que bien qu’il ne concentrait pas son attention sur son aspect extérieur, l’Envoyé d’Allah paix et salut sur lui était un bel homme, bien coiffé, bien habillé, soigné dans ses manières, souvent parfumé et ayant la bouche toujours propre ; il parlait aux gens dans un langage compréhensible par eux, selon leur dialecte et leur culture, et savait retenir leur attention, en usant des meilleures expressions. Par ailleurs, l’Envoyé d’Allah paix et salut sur lui choisit Mouss’ab pour prêcher les gens de Yathrib, or, en plus de sa bonne compréhension, de son savoir, de sa droiture et de sa sincérité, Mouss’ab était réputé pour sa belle apparence. Nous pourrions encore évoquer l’exemple d’Abdallah Ibn Abbas, lorsqu’Ali l’envoya pour raisonner les khawarijs ou enfin celui de Ja’far Ibn Abi Taleb, chargé de présenter l’Islam au Négus d’Abyssinie ; mais nous pensons avoir suffisamment argumenté nos propos. Nous demandons à Allah la réussite dans nos œuvres.
Et Allah sait mieux !