19:46 - Lundi 30 décembre, 2024

- 28. Jumādā al-Ākhira 1446

Comprendre les Textes dans leur contexte


Nous avons vu le mois dernier l’importance qu’il y a, à analyser le contexte entourant un hadith, à déterminer les causes, circonstances et objectifs qui peuvent y être liés, et ce, afin de ne pas nous tromper dans la manière de le traduire dans nos vies. Ainsi, est-il rapporté de sources sûres, dans les deux Sahihs, que lorsque l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) et ses compagnons se rendirent à La Mecque, l’année suivant le pacte d’Al Houdaybiya, afin d’y accomplir la ‘omra de compensation, les incroyants mecquois se mirent à parler d’eux en disant : les voilà épuisés par le climat de Yathrib. C’était là une manière de dénigrer l’Islam puisque selon eux la hijra (Emigration) avait causé des problèmes de santé aux musulmans originaires de La Mecque. Les entendant, l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) eut à cœur de les contredire, et de leur prouver que ni Dieu ni sa religion ne font de tort au croyant ; alors ordonna-t-il à l’ensemble de ses compagnons de faire les trois premières circumambulations autour de la Ka’ba en trottinant – on appelle cela le raml – et n’interdit pas à qui le voulait de faire ainsi les sept tours [Al Boukhari & Mouslim]. Ce rite lié à la base à une circonstance bien particulière est cependant demeuré dans l’histoire musulmane, lors du pèlerinage d’adieu, et lors des visites des quatre khalifes à la Ka’ba, pour le pèlerinage ou la ‘omra. On peut dire la même chose lors du sa’yi entre Al Safa et Al Marwa, et du fait d’accélérer le pas entre les deux stèles, en souvenir de la course de Hajar, mère d’Ismaïl. Ceci dit, aujourd’hui, à certaines heures et certaines périodes de l’année, il y a plusieurs milliers de personnes qui pratiquent au même moment les rites du tawaf ou du sa’yi, parmi eux des personnes à mobilité réduite – enfants, personnes âgées, handicapées. Que dit la Sounnah à ce moment précis ? S’abstenir de trottiner est préférable, voire obligatoire ; car bousculer autrui, le blesser ou le faire tomber, est un péché. Néanmoins, lorsqu’il y a moins de monde, et pas de risque d’incommoder qui que ce soit, alors le rite demeure.

Nous pouvons trouver d’autres exemples à l’époque des quatre khalifes. ‘Omar était présent lorsque le Prophète (paix et salut sur lui) décida de partager les terres de Khaybar entre ceux de ses compagnons qui avaient participé avec lui à cette expédition. Pourtant des décennies plus tard, lorsque les musulmans dominèrent l’Iraq, ‘Omar opta pour le fait de laisser les gens de ce pays propriétaires de leurs terres et ce pour différentes raisons qui relèvent toutes de l’intérêt général. En apparence, on pourrait croire qu’il n’a pas suivi la Sounnah du Prophète (paix et salut sur lui), mais dans le fond, il s’y est conformé à la perfection, car le but était de ne pas s’aliéner ces populations qui ne connaissaient pas encore l’Islam, et aussi de ne pas ralentir la production qui allait profiter à tous, et de laisser la culture de ces terres à ceux qui la maîtrisaient.

Concernant le pèlerinage, il est rapporté authentiquement que le Prophète (paix et salut sur lui) raccourcissait ses prières et les assemblait lors du jour de ‘Arafat et à Mouzdalifah. Pourtant le khalife ‘Othman décida une année durant laquelle il dirigeait le pèlerinage de ne pas raccourcir les prières, et ce, parce qu’il craignait que les derniers convertis pensent que la prière se faisait ainsi toute l’année (le cas s’était produit). Malik rapporte aussi à son sujet dans son Mouwata, que ‘Othman ordonna que soient capturés et vendus les chameaux errants, alors que le Prophète (paix et salut sur lui) avait ordonné qu’on ne les capture pas en disant : ils sont pourvus de sabots et de pattes, ils s’abreuveront et se nourriront d’arbustes jusqu’à ce que leurs propriétaires les retrouvent. ‘Othman a-t-il ici contredit la Sounnah de l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) ? Oh que non ! Il a simplement considéré que la situation était différente à son époque, et que le phénomène des chameaux errants avait pris une telle ampleur que cela devenait un problème d’ordre public ; aussi a-t-il opté pour l’esprit de la Sounnah plutôt que pour sa stricte lettre.

Les exemples sont très nombreux. Ceci étant, l’idéal reste tant que faire se peut de respecter à la fois l’esprit et la lettre du texte. Ensuite, ce n’est pas à tout un chacun de déterminer s’il y a conflit entre l’esprit et la lettre dans un contexte donné. Cela est l’affaire des ‘oulama au fait des textes et des réalités de leur époque.


Rubrique: Bien comprendre la Sounnah