Allah – Exalté et Glorifié – dit : Sur toi (ô Mohammad) Nous fîmes descendre le Coran, afin que tu exposes clairement aux gens ce qu’on leur a révélé afin qu’ils réfléchissent [16;44]. Si le Coran et la Sounnah, sont comme nous l’avons déjà dit les deux sources indissociables de toute guidance, le Coran garde néanmoins une prééminence sur la Sounnah. C’est la Sounnah qui vient expliquer et détailler le Coran et non l’inverse. C’est pour cette raison entre autres, que le Prophète (paix et salut sur lui) avait dans un premier temps interdit la consignation par écrit du hadith, avant de l’encourager à la fin de sa mission ; et que les premiers savants ont d’abord réprouvé la constitution de recueils de hadiths, avant que cela ne devienne une nécessité évidente pour la préservation de la religion ; à chaque fois, le Coran avait la prééminence. Ceci étant dit, il est évident qu’on ne peut parvenir à une bonne compréhension de la Sounnah, sans avoir au préalable acquis une bonne connaissance du Coran. Ainsi, la Sounnah n’a pour but que de détailler, confirmer, développer, expliquer les enseignements coraniques, et ne peut en aucun cas les contredire. Ainsi, lorsqu’un individu rapporte un hadith qui dit au sujet des femmes : demandez-leur leur avis et faites l’inverse, la personne connaissant le Coran s’interrogera immédiatement sur l’authenticité d’une telle parole, puisque Dieu dit au sujet de l’éducation des enfants : …et si, après s’être consultés, tous deux (homme et femme) tombent d’accord pour décider le sevrage (de l’enfant), nul grief a leur faire… [2;233], …et concertez-vous [à ce sujet] de façon convenable… [65;6], ou ce sage conseil donné par la fille du cheikh de Madyan : Ô mon père, engage-le [à ton service] moyennant salaire, car le meilleur à engager c’est celui qui est fort et digne de confiance [28;26]. Il s’avère ensuite que même de par sa chaîne de transmission ce hadith est faux, et n’est absolument pas la parole du Prophète (paix et salut sur lui) ou d’un quelconque savant, comme l’on démontré Al Chawkani et Al Sakhawi, et qui en plus d’aller à l’encontre du Coran, contredit des hadiths authentiques comme celui dans lequel l’Envoyé (paix et salut sur lui) a demandé conseil à Oum Salama le jour d’Al Houdaybiya.
Considérons un autre exemple illustrant la nécessité de lire la Sounnah à la lumière du Coran, et l’intelligence profonde de nos savants. Le Prophète (paix et salut sur lui) a fixé le seuil de la zakat pour chaque denrée récoltée en Arabie à son époque (dattes, blé, orge…). Certains de nos éminents savants ont préféré s’en tenir aux propos du Prophète (paix et salut sur lui) en limitant les biens redevables de la zakat, aux produits mentionnés explicitement par le Prophète (paix et salut sur lui). D’autres ont fait l’analogie en disant que sont concernés par la zakat tous les produits comparables à ceux mentionnés par le Prophète (paix et salut sur lui), c’est-à-dire secs et non périssables ; ou d’autres ont fait l’analogie avec tout produit de base. Mais sur ce sujet, il semble que c’est l’avis d’Abou Hanifa qui soit le plus solide, et le plus proche de l’esprit du Coran, car Dieu dit : C’est Lui qui a créé les jardins, treillagés et non treillagés ; ainsi que les palmiers et la culture aux récoltes diverses ; [de même que] l’olive et la grenade, d’espèces semblables et différentes. Mangez de leurs fruits, quand ils en produisent ; et acquittez-en les droits le jour de la récolte [6;141]. Or ici le verset évoque bien le fait de s’acquitter de la zakat sur tous les produits de la terre et ce qui semble le plus pertinent, car sinon les pays et contrées dont la production principale a été mentionnée par le Prophète (paix et salut sur lui) (dattes, blé…) seraient défavorisés par rapport à d’autres pays dont la production principale n’a pas été mentionnée (café, cacao, oranges, fraises etc…), et cela ne serait juste pour personne : riches et pauvres seraient tous lésés ! Le grand Qadi de Séville, et grand juriste malikite du 5ème siècle de l’Hégire, Abou Bakr Ibn Al ‘Arabi fut obligé, dans le contexte andalous qui était le sien- et qui différait du contexte de l’Imam Malik trois siècles et demi plus tôt à Médine -, d’adopter l’opinion d’Abou Hanifa et de reconnaître sa supériorité. Il dit dans son jugement d’une grande objectivité et d’une grande clairvoyance : Quant à Abou Hanifa, il prit pour référence ce verset [6;141] et vit clairement la vérité en déclarant la zakat obligatoire sur tout ce qui se mange, qu’il s’agisse ou non d’aliments de base. Le Prophète (paix et salut sur lui) l’a montré par la formulation générale de son affirmation : « et sur tout ce que le ciel arrose, le dixième est dû.. » [Al Boukhari]. Quant à l’avis d’Ahmad affirmant que la zakat porte sur les produits que l’on met en sac, sur la base du hadith : ‘elle n’est pas due sur moins de cinq charges…’ cet avis est faible, car le sens littéral du hadith est qu’il définit la quantité minimale de dattes ou de grains sur laquelle est due la zakat, sans pour autant affirmer que la zakat n’est pas due sur les autres produits. Quant à l’avis (d’Al Shafii) selon lequel la zakat ne porte que sur les aliments de base, c’est une affirmation sans fondement : or toute affirmation quant à une prescription doit être fondée sur une preuve, comme nous l’avons montré dans notre livre sur le raisonnement analogique (Al Qiyas). Dieu n’a-t-Il pas mentionné les bienfaits qu’Il nous a accordés dans les aliments de base et les fruits et ordonné d’acquitter les droits sur tout cela, qu’il s’agisse de ce qu’on peut manger de frais ou sec comme les figues et les dattes, des diverses sortes de grains, et de ce qui s’ajoute aux aliments de base, comme les vignes en treillage, où le bienfait de la nourriture est allié à celui du plaisir des yeux ? (…) Si l’on demande pourquoi aucun récit ne relate que le Prophète (paix et salut sur lui) ait perçu la zakat sur les légumes de Médine ou de Khaybar, nous répondrons que c’est ce qu’ont avancé nos savants, mais cela ne constitue pas une preuve mais une absence de preuve. Si l’on objecte en disant : ‘s’il l’avait perçue cela aurait été rapporté’, nous répondrons : ‘pourquoi aurait-on eu besoin de le rapporter alors que le Coran le prouve suffisamment ?!’. On ne peut enfin objecter contre l’avis d’Abou Hanifa en s’appuyant sur le hadith : il n’y a pas de zakat sur les légumes, car ce hadith n’est pas authentique comme le mentionne l’Imam Al Tirmidhi en le rapportant.
Tout ceci étant dit, le Coran fixe l’esprit de la zakat, à savoir réclamer aux riches propriétaires terriens de verser une aumône purificatrice sur leur production, afin de témoigner leur reconnaissance à Dieu et d’aider les plus pauvres. Aucun hadith ne peut aller à l’encontre de ce principe. C’est la raison pour laquelle les savants les plus avertis étendent aujourd’hui la prescription de la zakat à d’autres formes de production non comestibles comme le coton ou le caoutchouc qui génèrent chaque année des centaines de millions de chiffre d’affaire.
Quoi qu’il en soit, nous comprenons au travers de cet exemple la nécessité qu’il y a à comprendre la Sounnah à la lumière des principes établis dans le Noble Coran.
Et Allah sait mieux.