عَنْ أمِّ المُؤمِنينَ أمِّ عبْدِ اللهِ عائشةَ -رَضِي اللهُ عَنْهَا- قالَتْ قالَ رسولُ اللهِ صَلَّى اللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّ : مَنْ أَحْدَثَ فِي أَمْرِنَا هَذَا مَا لَيْسَ مِنْهُ فَهُوَ رَدٌ
البخاري ومسلم
La mère des croyants, ‘Aïsha a rapporté que l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) a dit : Celui qui innove dans notre religion ce qui n’en fait pas partie, se verra rejeté. [Al Boukhari & Mouslim]
Nous avons vu précédemment que, par le hadith sur l’intention, l’imam Al-Nawawi a voulu souligner l’importance que revêt le fond de l’œuvre du croyant. Nous allons voir que le hadith ci-dessus quant à lui en détermine la forme. Ainsi, si l’intention relève de la relation intime avec Dieu, la conformité de l’acte est une chose apparente dont les règles ont été fixées et parachevées par Dieu à travers Son Livre et Son Messager (paix et salut sur lui) : ‘Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme religion pour vous’ [5;3].
La seule bonne intention ne suffit donc pas pour obtenir l’agrément en islam, comme dans toute autre discipline d’ailleurs. Aussi l’action pour être acceptée doit impérativement être conforme aux règles établies par Allah, et ceci concerne toutes les pratiques par lesquelles nous cherchons à nous rapprocher de Lui. C’est donc la combinaison d’une intention pure et d’une action conforme qui aboutit à la bonne œuvre agréée de Dieu. Il convient alors, pour atteindre cet objectif, de s’attacher fermement à la voie tracée par le Prophète (paix et salut sur lui) : ‘En effet, vous avez dans le Messager d’Allah un excellent modèle, pour quiconque espère en Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment’ [33;21]. Pour cela, il est nécessaire de rechercher et de s’appuyer sur les sources authentiques de la législation que sont le Coran, la Sounnah et le consensus.
Ce hadith assure également la bonne préservation de l’Islam en l’encadrant par les limites claires contenues dans le Coran et la Sounnah. Se soumettre aux textes révélés par Allah et les accepter, dans la forme comme dans le fond, est une preuve de l’amour qu’on Lui porte. Au contraire, inventer, délaisser ou modifier une prescription claire émanant du Coran ou de la Sounnah en pensant bien faire, peut être assimilé à une forme de rébellion envers son Seigneur. Aussi, le fait d’innover dans la religion en prétendant l’améliorer sous-entend qu’il existe un manque que l’on est venu combler, or cela revient à accuser implicitement le Prophète (paix et salut sur lui) d’avoir failli à sa mission, et d’avoir trahi le dépôt qu’Allah lui a confié en ne délivrant pas la totalité du message. On comprend alors mieux l’importance et le poids de ce hadith lorsque l’on a conscience des conséquences que peuvent avoir des actes non conformes aux textes. En effet, tout un chacun peut être animé de bonnes intentions, mais c’est par la mise en pratique de nos intentions dans le respect des règles établies par Allah que l’on va mesurer notre amour pour Lui : ‘Dis [ô Mohammad] : Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, alors Allah vous aimera et vous pardonnera vos péchés’ [3;31].
Le Prophète (paix et salut sur lui) a cependant bien précisé que parmi les innovations, ce sont celles qui ne font pas partie de notre religion qui seraient rejetées. Autrement dit, il y a une distinction à faire entre les innovations qui contredisent les fondements et les objectifs de notre religion, et celles qui ne vont à l’encontre ni du Coran, ni de la Sounnah, ni du consensus. L’Imam Al-Shafi’i parle alors de deux types d’innovations : les innovations blâmables (bid’a sayyi’a) et les innovations louables (bid’a hassana). Les premières se rapportent aux innovations que décrit le Prophète (paix et salut sur lui) et que nous devons rejeter catégoriquement comme il nous a été prescrit de le faire. Quant aux secondes, il s’agit d’innovations qui ne vont pas à l’encontre des textes, dont les bénéfices sont indiscutables, et que l’évolution du contexte et le progrès des sociétés ont rendu indispensables. L’histoire musulmane est pleine d’exemples d’innovations louables aujourd’hui admises par tous et dont personne ne remet en cause la pratique ou la propagation. Parmi les exemples les plus illustres, on peut citer l’assemblage du Coran dans l’ordre que l’on connaît aujourd’hui, par le premier calife Abou Bakr ; ou encore les prières de tarawih instituées lors du califat de ‘Omar. Enfin, nous insisterons sur le fait que le hadith vise les innovations dans le domaine religieux, et qu’il n’est nullement question ici d’innovations dans les domaines techniques, scientifiques, ou toute autre discipline profane, qui participe au progrès des sociétés et à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité.
L’intention et la conformité sont donc deux éléments essentiels dans la pratique religieuse de tout croyant, qu’il convient de préserver avec le plus grand soin. La validité de l’œuvre ne pouvant être espérée qu’en alliant ces deux éléments, Il faut faire particulièrement attention à ne pas tomber dans le piège qui consiste à se focaliser sur l’un des deux en délaissant l’autre. Il ne faut donc pas exagérer dans la recherche de la proximité avec Dieu en acceptant toute sorte d’adoration quelle que soit son origine et aussi farfelue soit elle, sans au préalable l’avoir soumise à l’examen du Coran et de la Sounnah, au risque de se voir rejeter toutes nos œuvres. À l’inverse, il ne faut pas que la recherche de la conformité devienne une obsession au point d’en faire l’objectif ultime de notre religion. Ainsi, celui qui s’applique uniquement à la forme de ses actes, en adoptant une apparence et un comportement conformes dans les moindres détails, mais qui n’a pas au préalable purifié son cœur de tout ce qui peut entacher la pureté de son intention, prend également le risque de voir son œuvre rejetée. Il convient donc de définir l’équilibre entre ces deux attitudes et ce, pour chaque œuvre que nous accomplissons en vue de satisfaire notre Seigneur.
Et Allah sait mieux !