Allah nous exhorte à dire : Il n’y a que Toi que nous adorons et que Toi que nous implorons. Ibn Al Qayyim a rédigé un livre en trois tomes pour commenter cette Parole. Nous nous contenterons, quant à nous, d’en tirer les principaux enseignements. Si Allah est Seigneur (Rabb), c’est qu’Il a nécessairement des sujets (‘ibad). Toute créature vivante Le sert, bon gré mal gré. Les hommes et les djinns ont néanmoins cette particularité de pouvoir choisir, au niveau de leur esprit et de leur vie, de Le reconnaître et de Lui obéir ou non, tandis qu’ils dépendent complètement de Lui dans tous les cas. Allah nous a donné ce pouvoir mais pourrait s’Il le veut nous le retirer et nous imposer la foi : Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru [10;99]. Le croyant est finalement celui qui assume pleinement et fièrement son statut de serviteur : jamais le Messie pas plus que les Anges rapprochés ne trouvent dégradant d’être les serviteurs d’Allah [4;172]. Au contraire, ce qui est méprisable vis-à-vis de la foi, c’est de vouer un culte à un mortel comme nous, ou pire à un mort – tandis que Dieu est Vivant et ne meurt jamais – ou pire encore : d’être l’esclave de ses passions. Par cette Parole (Il n’y a que Toi que nous adorons), loin de s’aliéner le corps ou l’esprit, le croyant véritable se libère de la servitude et de l’humiliation, du culte des créatures, pour ne reconnaître qu’un Seul et Véritable Maître : Dieu ! Quelle fierté d’adorer Celui à qui obéissent les étoiles, les planètes, et les galaxies ; les prophètes et les Anges. Quant à l’imploration de l’aide, elle relève et est, intrinsèquement, liée au fait de L’adorer. Et Ton Seigneur a proclamé : invoquez-Moi, Je vous répondrai. Ceux qui par orgueil se refusent à M’adorer entreront bientôt en Enfer humiliés [40;60]. Dans ce verset adoration et imploration sont synonymes. Par ailleurs, Dieu aime qu’on Lui demande, alors que cela agasse les individus aux possessions et au pouvoir limités. C’est dans cet esprit que le Prophète (paix et salut sur lui)prenait l’engagement de quelques compagnons de ne rien demander à quiconque et de ne compter que sur Dieu puis sur eux-mêmes. Ainsi devrait être l’attitude du croyant, fier, qui ne supporte pas de dépendre d’autrui, et pour qui l’indépendance et l’autonomie sont des principes de vie.
Lorsque nous prononçons les versets qui précèdent, Dieu nous répond. Le Prophète (paix et salut sur lui)rapporte ces propos Divins : J’ai partagé en deux la prière entre Moi et Mon serviteur, et Mon serviteur aura ce qu’il aura demandé. Lorsque le serviteur dit « la louange est à Allah Seigneur des Mondes », Dieu répond : « Mon serviteur m’a loué ». Lorsque le serviteur dit : « Le Clément, le Miséricordieux », Dieu répond : « Mon serviteur a fait mon éloge ». Lorsque le serviteur dit : « Maître du jour du jugement », Dieu répond : « Mon serviteur m’a glorifié », et Il dit aussi « Mon serviteur s’est abandonné à Moi ». Lorsque le serviteur dit : « Il n’y a que Toi que nous adorons et il n’y a que Toi que nous implorons », Dieu de répondre : « Ceci est entre moi et Mon serviteur, et Mon serviteur aura ce qu’il demande »… [Mouslim].
Vient ensuite la seconde partie du texte, qui constitue la demande. Or, quoi de prioritaire ou de plus important que la guidance ?! Dieu est Le Guide Suprême, Al Hadi, et nul n’est guidé que par Sa volonté et Son bon-vouloir : Celui que Dieu guide, c’est lui le bien guidé [17;97]. Même les prophètes n’ont pas leur mot à dire dans cela, Dieu disant à la meilleure de Ses créatures : Tu ne guides pas qui tu aimes, mais Dieu guide qui Il veut [28;56]. Et
, la guidance, comme la foi, augmente, diminue : quant à ceux qui cherchent la guidée, nous les guiderons davantage et leur accorderons de surcroit, la piété [47;17]. Elle peut même se perdre, ce que redoutent les vrais savants, tandis que les hypocrites et les ignorants pensent que la guidée est un bien acquis : et les enracinés dans la science disent (…) ô Seigneur ne laisse pas dévier nos cœurs après nous avoir guidés… [3;8]. Le Prophète (paix et salut sur lui)disait par ailleurs dans son invocation dite de qounout, et rapportée par Al Hassan : Ô Allah guide-moi parmi ceux que Tu as guidés [Abou Dawoud, Ibn Majah, Al Nasaï, Al Tirmidhi, Ahmad : Sahih]. Quant au pluriel employé dans la Fatiha, il nous rappelle que la prière (obligatoire) est faite pour être pratiquée en groupe, dans une mosquée, idéalement, et que nous appartenons à une communauté de foi. Cette formulation nous apprend à ne pas être égoïstes, à considérer l’autre, à souhaiter le bien à autrui, à se considérer comme un membre d’une grande famille. Car si Dieu te guide, toi seul, et ne guide pas tes frères, combien seras-tu malheureux et triste d’être isolé dans ton culte à Dieu ?! Et combien de prescriptions sublimes de l’Islam seras-tu dans l’impossibilité de pratiquer, si toi seul hérite la guidance ?! Par ailleurs, le Prophète (paix et salut sur lui)portait le souci de propager au maximum la guidance parmi les gens : si leur indifférence t’afflige énormément, et qu’il est dans ton pouvoir de chercher un tunnel à travers la terre, ou une échelle pour aller au ciel pour leur apporter un miracle, [fais-le donc]. Et si Dieu voulait, Il pourrait les mettre tous sur le chemin droit. Ne sois pas du nombre des ignorants [6;35].