Allah l’Exalté dit : Les vrais croyants sont ceux dont les cœurs frémissent lorsqu’Allah est évoqué. Et quand Ses versets leur sont récités, cela fait augmenter leur foi. Et ils placent leur confiance en leur Seigneur [8;2]. Le cœur, dans la langue arabe, comme en français, est le siège symbolique des sentiments. Ce verset indique que le fait de ressentir une sensation, qui peut être de reconnaissance ou de crainte, lorsque l’on évoque Allah, est un signe d’une foi véritable. Il dit aussi : [Ce Coran provient] de la grâce d’Allah et de sa miséricorde, voilà de quoi ils [les hommes] devraient se réjouir [10;58]. C’est encore, dans cet autre verset, par un sentiment, ici la réjouissance, que la foi se manifeste. Et dans d’autres passages, Allah décrit ses bons serviteurs comme ceux qui sont satisfaits de Lui [98;8], ceux qui L’aiment [5;54] ou ceux qui ont confiance en Lui [3;159]. L’Islam donne ainsi à la dimension sentimentale une place prépondérante, qu’il s’agisse des relations liant la créature à son Créateur, ou liant les créatures entre elles, comme dans le cas des relations maritales par exemple : Et parmi Ses signes Il a créé à partir de vous et pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté [30;21].
Le Prophète, paix et bénédictions sur lui, dit : Je ne suis qu’un homme qui se réjouit et s’irrite comme tout un chacun [Al Boukhari & Mouslim]. Seulement, contrairement aux autres hommes, les prophètes ont cette particularité, de se réjouir de ce qui réjouit leur Seigneur et de se courroucer devant ce qui provoque Sa Colère ; ils aiment ce qu’Il aime et exècrent ce qu’Il exècre ; se lient d’amitié et se disputent pour Lui. Ceci est une grâce Divine : Allah vous a fait aimer la foi et l’a embellie en vos cœurs, tandis qu’Il vous a fait répugner l’incroyance, la perversité et la désobéissance ; voilà donc les bien-guidés. C’est là en effet une grâce d’Allah et un bienfait. Allah est Omniscient et Sage [49;7]. Nous devons, nous aussi nous efforcer de parvenir à ce degré de perfection dans la foi, le Prophète, paix et salut sur lui, disant : La plus éminente des anses de la foi est d’aimer en Allah et de mépriser en Lui [Ahmad]. Cela signifie que nous devons d’abord apprendre ce qu’Allah aime et ce qu’Il n’aime pas parmi les traits de caractère, les sentiments, et les actes ; puis de mettre en pratique ce qu’Il aime jusqu’à l’aimer nous-mêmes et s’éloigner de ce qu’Il n’aime pas jusqu’à le mépriser à notre tour.Et comment acquérir cette connaissance précieuse ? Tout simplement en méditant le sens des versets du Coran et les enseignements prophétiques, et bien sûr en le demandant à Allah : Demandez à Allah de Sa grâce. Car Allah est, certes, Omniscient [4;32].
Le fait que le Prophète, qu’Allah le bénisse et le préserve, ait recommandé, à trois reprises, à un homme qui était venu lui demander conseil, de ne pas se mettre en colère [Al Boukhari], ne signifie pas que la colère soit en soi un mauvais sentiment, ou un sentiment proscrit. Cela nous montre plutôt qu’il faut apprendre à maitriser cette sensation lorsqu’elle nous envahit, pour ne pas qu’elle nous submerge, prenant le pas sur notre raison, et qu’elle nous incite ainsi à tenir des propos ou des actes qu’Allah n’aime pas. En effet, la colère peut s’avérer être parfois un signe de foi. Citons l’exemple de Moïse, paix sur lui, qui, lorsqu’il vit qu’un groupe d’individus parmi son peuple s’était mis à vénérer une statut en son absence, fut prit de colère et de tristesse (…) et qu’il réprimanda son frère, le prophète Haroun [7;150] alors que celui-ci était innocent. Cette colère ne lui fut reprochée en aucun passage du Coran ! D’ailleurs lorsque le Prophète, paix et salut sur lui, dit que la moindre des choses pour un croyant lorsqu’il est témoin d’un acte blâmable est de le rejeter dans son cœur [Mouslim], comment le rejettera-t-il si ce n’est en éprouvant de la colère, du dégoût ou de l’amertume ?
Ceci vaut également pour la tristesse, contre laquelle Allah a mis en garde son Prophète et les croyants : Ne sois pas triste à cause de ce qu’ils [les dénégateurs] disent (…) [36;76], Ne vous laissez pas abattre, et ne vous attristez pas (…) [3;139]. Pourtant comme l’affirme Ibn al Qayyim, la tristesse est le passage obligatoire sur la route de l’aspirant [à Allah],et tous les prophètes et les croyants l’ont connue. Comment comprendre alors les versets précédents ? Le croyant ne doit pas se laisser dominer par la tristesse, jusqu’à déprimer et tomber dans le désespoir : Seuls les incroyants désespèrent de la miséricorde Divine [12;87]. Le croyant doit apprendre, au contraire, à dépasser ce sentiment, et à aller de l’avant.
De même que le Prophète aimait son oncle, Abou Taleb, comme l’affirme le Coran en disant : Ce n’est pas toi qui guide qui tu aimes (…) [28;56], et bien que ce dernier demeura idolâtre jusqu’à sa mort. Cet amour ne l’a cependant jamais incité à faire la moindre concession dans sa foi et dans sa prédication, cela ne l’a pas poussé non plus à douter de la justice ou de la sagesse Divine.
Ce qui est blâmé ce n’est donc pas de ressentir un sentiment quel qu’il soit mais plutôt c’est de se laisser dominer par celui-ci, fusse-t-il motivé par des raisons religieuses, jusqu’à perdre le contrôle de soi-même et dévier inéluctablement du droit chemin. Apprendre à maîtriser ses sentiments, à ne pas être à leur merci et à ne pas agir, sans réfléchir, sous le coup de la seule émotion constitue un travail de longue haleine, un grand jihad, quotidien et obligatoire pour tous, nécessaire au salut du croyant, et à l’avenir de la Communauté musulmane ; le Moujahid, étant selon la parole du Prophète, celui qui lutte contre son âme pour Allah [Ahmad].
Allah seul sait…