Bien que le second pacte de ‘Aqaba se déroula secrètement, les Quraychites en prirent malgré tout connaissance. Ceci eut pour effet d’accentuer leur colère et par là même, les persécutions et humiliations envers les croyants. L’Envoyé de Dieu, paix et salut sur lui, autorisa alors ses compagnons à quitter la Mecque afin de se réfugier à Médine pour y vivre librement leur foi : Quiconque parmi vous désire émigrer, qu’il se rende à Yathrib qui est pour vous une terre d’accueil [Ibn Sa’d]. L’Hégire ou Hijra désigne donc l’émigration des musulmans, persécutés à la Mecque, vers Yathrib au cours de la quatorzième année de la mission prophétique [622 EC]. Les musulmans qui entreprirent ce voyage prirent dès lors le titre honorifique de Mouhajiroune, les Émigrants, et Yathrib fut baptisée Médine [Médinatou rasoul] ou la ville du Prophète, paix et salut sur lui.
« Suhayb a gagné »
Jusqu’à présent, bien que sérieusement préoccupés par la prédication du Prophète, paix et salut sur lui, qui selon eux menaçait leurs intérêts, les notables mecquois du fait de leur supériorité passagère n’avaient pas encore senti la situation leur échapper. Cette fois, cependant, connaissant la personnalité et la haute moralité du Prophète, paix et salut sur lui, qui gagnait par là les cœurs et le dévouement de ses disciples ; les Quraychites craignaient que Médine ne devienne le phare de l’Islam, dont la lumière éclairerait bientôt l’Arabie toute entière. Peut-être Mohammed, paix et salut sur lui, trouverait-il d’autres alliés ? se disaient-ils. De plus, Médine se trouvait à la croisée de routes commerciales menant à la Mecque, ce qui pourrait avoir des conséquences économiques néfastes pour eux. Enfin, les deux principales tribus de Médine, les Aws et les khazraj, hier frères ennemis et désormais unis par la fraternité de l’Islam, avaient été aguerries par des décennies de lutte tribale. Prendre ou attaquer Médine ne saurait donc pas chose facile. Néanmoins, rien ne semblait pouvoir endiguer l’émigration des musulmans qui, pour pouvoir échapper aux représailles, devaient quitter la Mecque en secret, n’emportant que le strict nécessaire. Ainsi, même si la hijrareprésentait pour eux une libération, elle n’en était pas moins empreinte de souffrances. Ces derniers devaient en effet tout abandonner : leur patrie, leurs biens et même parfois leur famille, si celle-ci se trouvait pour le moment dans l’incapacité d’émigrer. Mais leur amour de l’Islam et du Prophète, paix et salut sur lui, était plus fort que tout. Un bel exemple de cet amour est celui de Suhayb, qui fut retenu de force par les polythéistes. Celui-ci rançonna sa liberté en l’échange de toute sa richesse et de tous ses biens. Il put rejoindre Médine, dépouillé de tout, si ce n’est de sa foi et de son amour pour le Messager, paix et salut sur lui ! Lorsque ce dernier, paix et salut sur lui, eut connaissance de cette histoire, il s’exclama : ‘Suhayb a gagné, Suhayb a gagné’ [Ibn Hicham].
On rapporte également le cas singulier de ‘Omar qui contrairement au reste de la communauté, annonça publiquement son émigration. S’adressant à un groupe de Quraychites près de la Ka’aba, il lança : Celui qui veut faire de son fils un orphelin et de sa femme une veuve qu’il vienne à ma rencontre derrière ce vallon. Outre son caractère téméraire, Omar voulut surtout signifier à ses ennemis que le départ des croyants était inéluctable.
Le complot d’assassinat
La majorité des musulmans s’échappèrent de la Mecque, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le Prophète, paix et salut sur lui, Abou Bakr, Ali et les quelques rares, hommes, femmes, enfants, incapables de se débrouiller [4;98], qui ne pouvaient rejoindre Médine. Pour mettre fin à cette émigration, les Quraychites décidèrent d’attenter à la vie de Mohammed, paix et salut sur lui. Mais comment le tuer sans que ses proches ne réclament le prix du sang ? Ces derniers décidèrent d’envoyer un homme de chaque tribu. Ensemble, ils devraient tuer le Prophète, paix et salut sur lui, de sorte que toute vengeance soit impossible car toutes les tribus y auraient participé. Gabriel informa le Prophète, paix et salut sur lui, de ce complot et l’informa que Dieu lui permettait désormais d’émigrer à son tour, en compagnie d’Abou Bakr. Pour faire diversion, le Messager, paix et salut sur lui, ordonna à Ali de le remplacer dans sa couche en l’assurant de la protection du Très Haut. Les Quraychites ne tardèrent pas à encercler sa demeure et par un miracle, le Messager parvint à se faufiler entre eux après avoir jeté dans leur direction une poignée de poussière. [Et rappelle-toi] le moment où les incroyants complotaient contre toi pour t’emprisonner ou t’assassiner ou te bannir. Ils complotèrent, mais Allah fit échouer leur complot, et Allah est le meilleur en stratagèmes [8;30].