8:23 - Jeudi 21 novembre, 2024

- 19. Jumādā al-Ūlā 1446

L’Islam et l’engagement dans la société


Allah le Très Haut dit : Dis [ô Mohammad] : En vérité, ma prière, mon culte, ma vie et ma mort appartiennent à Dieu, Seigneur de l’Univers. À Lui nul associé ! Et voilà ce qu’il m’a été ordonné, et je suis le premier à me soumettre [6;162-163]. Comme l’indique ce verset : l’Islam est une religion globale, qui n’a pas été révélée pour fixer le seul culte, mais plutôt pour encadrer tous les aspects de la vie humaine : des relations entre parents et enfants, entre époux, entre voisins, entre associés, aux transactions, en passant par les bonnes manières dans le manger, le boire et la manière de se vêtir, etc. L’Islam est une religion d’action, et pas de simple dévotion passive : Dis : Œuvrez, certes Allah verra votre œuvre, ainsi que son messager et les croyants… [9;105]. Notre religion nous incite à construire et à bâtir dans la société dans laquelle nous vivons, à en être des acteurs et pas de simple spectateurs, cherchant sans cesse à l’améliorer et à la tirer vers le haut, comme dans la parole du prophète Chouaïb à son peuple : Je ne veux nullement faire ce que je vous interdis, je ne veux que la réforme, autant que je le puis [11;88]. L’Islam est de plus une religion qui condamne en général le silence et la neutralité, lorsque l’on voit les gens abandonner les bonnes manières et commettre des actes immoraux ; et qui nous appelle au contraire à prendre position, dès que la situation le permet, appelant au bien et dénonçant le mal avec sagesse : Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez en Allah [3;110], Par la sagesse et la bonne exhortation appelle au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon… [16;125]. Aussi, dans notre religion chaque composante de l’individu a sa place : la raison a sa place, comme les sentiments ont la leur ; et la foi implique de se sentir concerné par ce que vivent les humains en général, et ses coreligionnaires en particulier, et de ne pas être égoïstes, obnubilés par son seul salut ou celui de sa famille. Le Prophète (paix et salut sur lui) ressentait cette peine vis-à-vis des gens qu’il ne pouvait guider : Et si leur indifférence t’afflige énormément, et qu’il est dans ton pouvoir de chercher un tunnel à travers la terre, ou une échelle pour aller au ciel pour leur apporter un miracle, [fais-le donc] [6;35].

Malheureusement, les siècles d’épreuves et de tourments et l’influence d’autres religions ou courants de pensées, ont poussé de nombreux musulmans à penser que l’Islam pouvait être dissocié des affaires de la société. Car la politique selon sa définition, c’est la gestion des affaires du groupe ou la science de comment permettre la vie en communauté. Or si certains ont pensé que la politique était par essence machiavélique, faite de ruses, de mensonges et de corruption ; il n’en est rien : la politique est à l’image de ceux qui la mènent, et les premiers musulmans, parmi les compagnons du Prophète (paix et salut sur lui) l’ont démontré lorsqu’ils ont eu à administrer des villes et des régions.

Aussi, le prophète Youssouf a su profiter de l’occasion lorsque celle-ci s’est présentée, pour proposer au roi et au peuple égyptien ses services et son savoir-faire : Assigne-moi les dépôts du territoire: je suis bon gardien et connaisseur [12;55].Dans cette position, il était plus facile pour lui de vivre et de pratiquer sa foi et également de bien la présenter aux gens, par les actes, au travers d’une gestion excellente de la crise économique à laquelle l’Égypte fit face à cette époque, et pas seulement par la parole ; car les actes et le comportement ont souvent un impact beaucoup plus fort que les beaux discours : Ainsi avons-nous affermi (l’autorité de) Joseph dans ce territoire et il s’y installait là où il le voulait. Nous touchons de Notre miséricorde qui Nous voulons et ne faisons pas perdre aux hommes de bien le mérite [de leurs œuvres] [12;56]. Youssouf n’a pas fixé comme condition l’acceptation du tawhid par la population, pas plus que les premiers gouvernants musulmans ne l’ont fait avec les populations qu’ils ont eu à administrer : Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? [10;99].

Il est un devoir pour les musulmans de prendre leur destin en main et de ne pas accepter que l’on puisse décider pour eux ou contre eux, comme l’a bien dit le commandeur des croyants, Omar Ibn Al Khattab : nous fuyons du Destin d’Allah vers le Destin d’Allah, reprochant par cela à certains leur passivité ou leur immobilité face au Destin, quand l’Islam attend de nous que nous bougions, et que nous soyons actifs. Le fait de s’engager ne signifie pas nécessairement de se présenter à des élections, mais aussi d’y voter, de participer aux débats qui concernent la société, de s’impliquer dans le champ social, économique, scientifique etc. comme Youssouf, en restant fidèles à notre foi et nos valeurs, et sans chercher à les imposer à quiconque. À nous d’agir en bien, de montrer le bon exemple, de bien expliquer notre religion à qui nous questionne, et à Dieu revient de guider les cœurs : Tu ne diriges pas celui que tu aimes: mais c’est Dieu qui guide qui Il veut [28;56]. Le fait de s’engager sous entend également le fait de choisir les meilleurs représentants de notre communauté, parmi les gens pieux et disposant d’un savoir faire ou expert dans un domaine : Assigne-moi les dépôts du territoire: je suis bon gardien et connaisseur [12;55].

Ne pas faire de la politique sa religion. Comme le tassawouf, le fiqhles sciences du Coran ou du hadith, l’engagement, qu’il soit politique ou social, est une partie de notre religion. L’Islam de la personne qui ne se sent pas concernée par ces choses est imparfait jusqu’à ce qu’il prenne sa part de cet engagement. Mais comme pour le tassawouf ou le fiqh, faire de cette discipline sa religion en résumant celle-ci à cela ou en lui donnant une importance démesurée par rapport aux autres aspects de la religion est une erreur dans laquelle nous ne devons pas tomber. On ne peut au nom de l’engagement politique ou social négliger à ses obligations religieuses ou autoriser ce qu’Allah a interdit. La politique bénie, celle du Coran et de la Sounnah, est celle qui sert la Vérité, et qui sert le bien. À l’inverse de la politique machiavélique qui elle sert le faux, quitte à utiliser la religion ou à l’instrumentaliser pour un but malsain. Nous demandons à Allah qu’Il nous guide ! 

Et Allah sait mieux.


Rubrique: Autour de la sourate Youssouf