Un an après leur défaite à Badr, les notables de la Mecque organisèrent une expédition pour envahir Médine, et ainsi venger leurs morts, laver l’affront qu’ils avaient subi et mettre fin à l’expansion de l’Islam dans la péninsule arabe. Ils partirent avec une armée de trois mille hommes dirigée par Abou Soufyan et arrivèrent à proximité du mont Ouhoud au début du mois de Shawwal de la troisième année de l’Hégire.
Le Prophète (paix et salut sur lui) avait été prévenu par son oncle, Al ‘Abbas, et comme à son habitude organisa une consultation pour prendre l’avis de ses compagnons sur la stratégie à adopter, à savoir se défendre à l’intérieur de Médine ou bien sortir et aller à la rencontre de l’ennemi pour le combattre. Le Prophète (paix et salut sur lui) était d’avis d’attendre l’arrivée de l’armée Quraychite et d’assurer la défense de la ville de l’intérieur, suivi en cela par ses compagnons les plus âgés et les plus sages. Mais les plus jeunes parmi les musulmans, plein de fougue et d’enthousiasme, qui étaient majoritaires, ainsi que ceux qui n’avaient pu être présents à Badr, souhaitaient aller à la rencontre de l’ennemi, pour être sûrs d’avoir le mérite de combattre au côté du Prophète (paix et salut sur lui). Ce dernier alla donc revêtir son armure et ordonna à son armée de se préparer au combat. Là, certains jeunes compagnons comprirent que dans la précipitation, ils s’en étaient remis à leurs sentiments négligeant ainsi leur raison et l’avis des plus sages et des plus expérimentés d’entre eux. Certains éprouvèrent un regret du fait qu’ils avaient contredit l’avis du Prophète (paix et salut sur lui) ; sentant leur hésitation, il leur dit qu’‘il ne convient pas à un prophète d’enlever sa cuirasse après qu’il l’ait mise ; jusqu’à ce que Dieu décide de son différend avec ses ennemis (…) Je vous avais fait ma proposition, mais vous avez tenu à sortir. Craignez donc Dieu et endurez l’ardeur du combat, observez ce que Dieu vous a recommandé et appliquez-le.’ Le Prophète (paix et salut sur lui) nous confirme ici l’un des principes fondamentaux de la concertation (Shoura), qui est de ne jamais hésiter après avoir tranché sur un sujet, et de s’en remettre à Allah une fois que l’on s’est mis d’accord sur la décision à prendre. Aussi, il ne convient pas lorsqu’il y a eu concertation et que les résultats ne sont pas forcément ceux que l’on espérait, d’exprimer des regrets ou des reproches sous prétexte que l’on avait émis un avis différent.
L’armée du Prophète (paix et salut sur lui) se mit donc en marche, avec un effectif d’environ mille combattants. Cependant, à mi-chemin entre Médine et Ouhoud, Abdoullah ibn Oubayy, qui avait soutenu l’avis de rester à Médine, fit volte-face, en prétextant que l’on avait préféré suivre l’avis de jeunes incompétents, pour faire demi-tour et se soustraire à l’armée, accompagné de trois cent hommes. Ainsi, celui dont le Prophète (paix et salut sur lui) connaissait l’hypocrisie, remit en cause une décision qu’il avait lui-même finit par approuver et réussit un court instant l’un de ses objectifs qui était de déstabiliser l’armée des musulmans en l’amputant d’un tiers de ses hommes. Ceux qui restaient se disputèrent à leur sujet en essayant de les retenir, mais Allah avait décidé que leur hypocrisie serait dévoilée en ce jour, et ceci émanait de sa volonté, ‘afin qu’Il distingue les croyants, et qu’Il distingue les hypocrites…’ [3;166-167].
L’armée arriva donc à Ouhoud, comptant dans ses rangs sept cent hommes. Là, le Prophète (paix et salut sur lui) élabora une stratégie minutieuse qui allait permettre de contenir les assauts de l’ennemi qui avait une large supériorité numérique. Il forma donc un groupe composé d’une cinquantaine d’archers avec à leur tête Abdoullah ibn Joubeyr, qui devait protéger l’arrière-garde de l’armée en empêchant les cavaliers ennemis de les prendre à revers. Le Prophète (paix et salut sur lui) leur donna une directive claire afin de leur faire prendre conscience de l’importance de leur position :‘Protégez notre arrière. Si vous nous voyez mourir, ne nous secourez pas ; si vous nous voyez ramasser le butin, n’y participez pas !’.
Lorsque les combats commencèrent, de nombreux compagnons se distinguèrent par leur courage et leur détermination, à l’image de Hamza, le lion d’Allah, l’oncle du Prophète (paix et salut sur lui), et son frère de lait, qui infligea à lui seul de sévères pertes aux Mecquois. Seulement, un esclave abyssin, du nom de Wahchi, très habile à la lance, à qui son maître avait promis de l’affranchir s’il parvenait à abattre Hamza, l’observait sans relâche dans l’attente d’une ouverture. Et dès que l’occasion se présenta, il lui envoya sa lance et Hamza s’effondra. Ce fut une perte immense pour le Prophète (paix et salut sur lui), pour l’armée, et pour la communauté musulmane toute entière. Mais le contexte imposait une endurance et une détermination particulière, tant et si bien que cela n’affecta pas l’ardeur des musulmans devant lesquels les Quraychites, pourtant quatre fois plus nombreux se mirent à reculer, commençant même à se disperser…