La louange est à Allah. L’année s’achève pour le journal et avec elle la première partie de notre rubrique sira. Dès lors, il est utile de s’interroger sur notre compréhension de la sira et plus particulièrement nous concernant, sur la période mecquoise. En effet, bien que le contexte soit totalement différent, nous partageons au moins une chose avec les premiers croyants qui vivaient à la Mecque il y a quatorze siècles : le fait de vivre l’Islam dans une société dans laquelle la majorité des gens ne partage pas notre foi. Il y a beaucoup à dire sur le sujet, toutefois nous limiterons notre analyse à deux points.
Coran Mecquois et Médinois
Tout d’abord, la connaissance de la période mecquoise nous aide à mieux cerner le Livre de Dieu et à contextualiser Ses versets. Les exégètes ont en effet pour habitude de distinguer la Révélation mecquoise de la Révélation médinoise. Si le Coran révélé à Médine reprend les mêmes thèmes que les versets révélés à la Mecque, sa singularité tient au fait qu’il traite aussi de la Loi [licite, illicite, relations sociales, mœurs, guerre, paix, etc.], qui servira de base à l’établissement de la société musulmane, en tout temps et en tout lieu. Si nous méditons cela, nous voyons que la Révélation mecquoise qui dura treize ans et dont les versets traitent exclusivement de l’Unicité de Dieu, du Paradis, de l’Enfer, du rejet du polythéisme, de l’histoire des prophètes et de la haute moralité, constitue l’assise de notre foi. Cela nous montre l’ordre des priorités dans notre cheminement vers Dieu et dans l’Appel à Sa religion [Da’wa]. C’est ce que Aïcha a très bien compris lorsqu’elle répondit, à quelqu’un venu l’interroger sur l’ordre de révélation des sourates, que les premiers versets parlaient d’abord du Paradis et de l’Enfer jusqu’à ce que la foi des gens soit raffermie. Puis, Dieu révéla des versets concernant le licite et l’illicite. Et si la Révélation avait dit en premier ne buvez pas de vin ou ne commettez pas l’adultère, les gens auraient sûrement dit ‘jamais nous n’arrêterons cela’ [Al Boukhari]. Il s’agit donc là d’un grand savoir, que les musulmans n’ont pas le droit d’ignorer s’ils veulent avoir une compréhension et une pratique équilibrées de leur religion.
Se fondre dans la masse ou se distinguer ?
En deuxième lieu, nous retiendrons tout particulièrement les trois années où l’appel à l’Islam se fit en secret. Dieu inspira ainsi à Son Messager (paix et salut sur lui) de prêcher ses proches, puis leurs proches, sans entrer en confrontation violente avec sa société, afin de faciliter la naissance de l’Islam ; le but de la religion étant de perdurer et non de produire des martyrs, quand bien même ces derniers occupent un haut rang auprès du Très Haut. Sur la base de ce principe, si nous sommes amenés par moment dans l’histoire à faire preuve de discrétion dans notre pratique, et à laisser de côté ce qui n’est pas obligatoire ou sujet à la divergence pour éviter ce qui peut être perçu par nos concitoyens, à tort ou à raison, comme de la provocation ou de l’ostentation ; cela ne signifie pas pour autant que nous sommes complexés, laxistes ou partisans d’un Islam que certains qualifient injustement de « light ». Bien au contraire, cela relève du bon sens tant que nous ne trahissons pas nos principes fondamentaux, à l’instar des gens de la caverne lorsqu’ils conseillèrent à leur frère : Qu’il agisse avec tact… [18;19]. Prenons l’exemple très actuel de l’apparence physique et vestimentaire du musulman. Nous ne parlons pas ici de ce qui fait l’objet du consensus des savants tel le voile de la femme musulmane, qui a pour but principal de dissimuler sa nudité et pas uniquement de la distinguer. Nous parlons ici de ce qui fait débat entre les savants de la communauté tel que leqamis, la barbe, le niqab, etc. Sounnah ? Coutume ? Obligatoire ? Souhaitable ? Au-delà de nos opinions, il est important de rappeler que le musulman se distingue avant tout par sa croyance et son comportement, et que cela constitue une obligation qui n’accepte pas de divergence. Quant à la distinction [moukhâlafa] au niveau de l’apparence physique, le Cheikh al Islam, Ibn Taymiyya nous éclaire dans son livre iqtida sirat al moustaquim [الموضوع السابع متى يباح التشبه بغير المسلمين؟ ] en expliquant en substance que rien n’a été légiféré sur le sujet tant que les musulmans étaient à La Mecque, dans la situation qui était alors la leur, là-bas. Cela ne fut le cas qu’à Médine, lorsque l’environnement et la société le permirent. Le croyant vivant dans un pays où la majorité des habitants ne sont pas musulmans, peut parfaitement s’habiller à la manière de ses concitoyens, tant que cela n’est pas inconvenant. Dans certains contextes, cela n’est plus seulement autorisé, précise le Cheikh, mais peut être préférable [moustahab], voir même obligatoire [wajib], quand il s’agit de préserver sa foi et les principes fondamentaux de sa religion par exemple.
Et Allah sait mieux !