20:34 - Samedi 21 décembre, 2024

- 19. Jumādā al-Ākhira 1446

L’aisance dans la pratique


عَنْ أَبِي هُرَيْرَةَ عَبْدِ الرَّحْمَنِ بْنِ صَخْرٍ رَضِيَ اللهُ عَنْهُ قَالَ: سَمِعْتُ رَسُولَ اللَّهِ صلى الله عليه و سلم يَقُولُ: مَا نَهَيْتُكُمْ عَنْهُ فَاجْتَنِبُوهُ، وَمَا أَمَرْتُكُمْ بِهِ فَأْتُوا مِنْهُ مَا اسْتَطَعْتُمْ، فَإِنَّمَا أَهْلَكَ الَّذِينَ مِنْ قَبْلِكُمْ كَثْرَةُ مَسَائِلِهِمْ وَاخْتِلَافُهُمْ عَلَى أَنْبِيَائِهِمْ

Abou Hourayra rapporte : ‘J’ai entendu l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui)  dire : Ce dont je vous demande de vous abstenir, éloignez-vous-en, et ce que je vous ordonne de faire, accomplissez-le dans la mesure de vos possibilités. En effet, ce qui a causé la perte de ceux qui vous ont précédés, ce sont leurs innombrables questions, et leurs divergences avec leurs prophètes. [Al Boukhari & Mouslim]

Nous avons vu dans un précédent hadith l’importance pour le croyant de se soumettre aux limites d’Allah, c’est-à-dire s’abstenir de ce qu’Il nous a interdit, et accomplir ce qu’Il nous a enjoint de faire comme obligations. Par ce hadith, l’Imam Al-Nawawi apporte un complément essentiel au précédent, et illustre le pragmatisme et l’ouverture de l’Islam qui prend en compte la capacité humaine à exécuter les directives Divines, capacité qui peut varier d’un individu à un autre, ou d’une époque à une autre. Ce hadith va dans le sens du Coran : ‘Allah n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité.’ [2;286], ‘Dieu veut pour vous la facilité, Il ne veut pas pour vous la difficulté’ [2;185]‘ (…) et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion’ [22;78]. Les interdits Divins n’ont pas été fixés arbitrairement pour nuire aux hommes, mais sont plutôt emprunts de sagesse ; leur objectif est de nous assurer le bonheur ici-bas (individuellement et collectivement) et la réussite dans l’au-delà.

Ainsi, les juristes ont établi d’après les sources scripturaires que la contrainte réelle (le danger) lève l’interdit. La personne menacée dans son intégrité physique ou morale, pourra accomplir – tout en l’abhorrant – un acte interdit (exception faite du meurtre, évidemment) sans provoquer la colère Divine. Dans certains cas, comme celui d’une personne susceptible de mourir de faim, il sera même obligatoire de consommer de la chaire d’un animal illicite, si elle ne trouve alors que cela pour survivre.

Pour ce qui est des obligations maintenant, l’Islam prévoit divers allègements, en fonction des circonstances. Nous savons par exemple qu’il est possible ou obligatoire parfois de rompre le jeûne en cas de risque pour la santé, d’alléger et de regrouper les prières, ou encore de pratiquer les ablutions sèches (tayammoum) si on ne peut utiliser d’eau. Ces allègements appelés roukhas sont abondants en Islam et permettent de ne jamais avoir à abandonner totalement une adoration, et de faciliter son accomplissement en toute circonstance. Il faut cependant bien comprendre que ces roukhas ne sont pas des règles, mais des exceptions, et qu’il ne faut pas en user de façon excessive.

Le Prophète (paix et salut sur lui) qui a été envoyé comme miséricorde n’a donc jamais cherché à imposer à ses compagnons ce qui était au-dessus de leurs possibilités. Il conseillait chacun selon son degré de foi, de façon à renforcer celle-ci, reprenant à plusieurs reprises des compagnons qui voulaient s’imposer des actes d’adorations extrêmes, ou mettant en difficulté d’autres musulmans par leur rigorisme, ‘La religion en principe est de pratique facile. Que personne ne cherche à être trop rigide dans l’observance de la religion sinon il succombera à sa tâche. En conséquence restez dans un juste milieu en cherchant à vous rapprocher de la perfection.’ [Al Boukhari]

Il faut alors prendre garde à ne pas se concurrencer dans un rigorisme illégitime, en adoptant systématiquement l’avis le plus contraignant à appliquer entre plusieurs avis juridiques argumentés et valables. De même, Il faut prendre en compte les capacités des gens en les conseillant afin de ne pas les écœurer de l’adoration, mais les conduire étape par étape vers la perfection, car c’est bien là l’objectif que tout le monde doit se fixer. Il devient alors impensable de mépriser un moufti dont l’intention est de soulager sa communauté de la gêne et de la difficulté pour mieux les enraciner dans l’adoration, et ce d’autant plus dans un contexte de difficulté qui autorise l’usage des facilités. Le propos n’est bien évidemment pas d’encourager le laxisme et la permissivité excessive, mais d’éviter le rigorisme et la dureté contre lesquels le Prophète (paix et salut sur lui) nous a mis en garde, leur préférant la constance et la modération.

Le Prophète (paix et salut sur lui) met ensuite en garde ses compagnons sur le fait de poser trop de questions sur les sujets de détails. Il leur conseillait de se contenter de ce dont il leur parlait, sachant qu’il n’omettait rien, et que lorsqu’il se taisait sur un sujet c’était par miséricorde. Cette injonction est spécifique aux compagnons qui vivaient la révélation, et ce pour éviter que ne soient révélées des obligations trop lourdes pour la communauté à la suite de leurs questions, comme ce fut le cas pour les communautés qui les ont précédés. Le Prophète (paix et salut sur lui) a d’ailleurs donné cette réponse à un compagnon qui insistait pour savoir si le hadj devait obligatoirement être effectué chaque année, malgré le silence du Prophète (paix et salut sur lui) qui savait qu’une telle obligation aurait été un fardeau pour les générations à venir.

Aujourd’hui qu’il n’y a plus de révélation, et que le Prophète (paix et salut sur lui) n’est plus à nos côtés, il nous est nécessaire de rechercher la connaissance auprès de ceux qui la détiennent en les fréquentant et en leur posant bien évidemment des questions, ‘Interrogez donc les érudits si vous ne savez pas’ [21;7]. Il y a cependant des domaines sur lesquels le Prophète (paix et salut sur lui) ne s’est pas attardé, et il convient donc de l’imiter dans cela en ne cherchant pas à approfondir ces questions, notamment concernant les Attributs Divins, et d’autres sujets qui peuvent mener à l’égarement celui qui ne sait pas les aborder, et qui peuvent conduire à des divergences non autorisées ceux qui y consacrent trop d’importance au dépend d’actions utiles.

Et Allah sait mieux.


Rubrique: Leçons prophétiques