عَنْ أَبِي الْعَبَّاسِ سَهْلِ بْنِ سَعْدٍ السَّاعِدِيّ قَالَ: جَاءَ رَجُلٌ إلَى النَّبِيِّ فَقَالَ: يَا رَسُولَ اللَّهِ دُلَّنِي عَلَى عَمَلٍ إذَا عَمِلْتُهُ أَحَبَّنِي اللَّهُ وَأَحَبَّنِي النَّاسُ؛ فَقَالَ: ازْهَدْ فِي الدُّنْيَا يُحِبُّكَ اللَّهُ، وَازْهَدْ فِيمَا عِنْدَ النَّاسِ يُحِبُّكَ النَّاسُ. حَدِيثٌ حَسَنٌ، رَوَاهُ ابْنُ مَاجَهْ
Sahl Ibn Sa’d Al-Sa’idi rapporte qu’un homme est venu voir le Prophète (paix et salut sur lui) et lui a demandé : ‘O Envoyé de Dieu ! Indique-moi une action dont la pratique me fera aimer de Dieu et me fera aimer des gens’. Le Prophète (paix et salut sur lui) répondit alors : Renonce au bas-monde et Dieu t’aimera, ne convoite pas ce qui appartient aux gens et ils t’aimeront. [Ibn Majah – Hassan]
Nous avons vu dans les précédents hadiths, différents moyens d’obtenir la satisfaction d’Allah, et voir nos œuvres agréées par Lui. L’Imam Al Nawawi nous rapporte ici un conseil du Prophète (paix et salut sur lui) qui assure à celui qui l’applique l’amour d’Allah comme des créatures, autrement dit la réussite ultime ici-bas comme dans l’au-delà. Ce conseil, simple et concis, consiste à se désintéresser du bas-monde et de la convoitise qu’il suscite, et ainsi s’éloigner des péchés qui en découlent. En effet, celui qui s’informe et médite sur la nature du bas monde comprendra que s’attacher à celui-ci au dépend de l’autre n’est qu’une aberration, et cet exemple du Prophète (paix et salut sur lui) en atteste : ‘Ce monde ne représente, par rapport à l’au-delà, pas plus que la quantité d’eau que l’un de vous prélève en plongeant son doigt dans un fleuve, qu’il voit donc ce qu’il en retire par rapport à ce qu’il en reste’ [Mouslim]. Aussi, l’une des plus grandes craintes de l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) était justement que nous, sa communauté, nous nous attachions excessivement à ce monde. Ainsi dit-il (paix et salut sur lui), lors du sermon d’adieu : ‘(…) Par Allah, ce n’est pas la pauvreté que je crains pour vous. Je crains plutôt que ce monde ne vous soit offert comme il avait été offert à ceux qui vous ont précédés, que vous ne le vous disputiez comme ils se le sont disputé, et qu’il ne cause votre perte comme il a causé la leur.’ [Al Boukhari & Mouslim]. De nombreux versets soulignent également l’importance de préférer l’au-delà au bas-monde : ‘Vous donnez la préférence à la vie de ce monde, alors que la vie future est meilleure et plus durable’ [87;16-17] ; ‘Vous voulez les biens de ce monde. Allah veut, pour vous, la Vie Future…’ [8;67].
L’ascèse (zuhd) a donc pour objectif de nous inciter à accomplir ce qui tend à nous procurer la récompense durable et impérissable de la vie future plutôt que les satisfactions éphémères et illusoires de ce monde. Cependant, une mauvaise lecture des textes peut conduire le croyant à la conviction que la réussite se trouve dans le délaissement total des choses de ce monde, conduisant à un isolement excessif, attitude condamnée par Allah : ‘Le monachisme qu’ils inventèrent, Nous ne le leur avons nullement prescrit’ [57;27]. L’ascèse est plutôt le fait de vivre en société et d’assumer ses responsabilités, tout en ayant la certitude que tout provient de Dieu, et que c’est Lui qui subvient aux besoins des créatures : ‘C’est dans le ciel que se trouve votre subsistance et tout ce qui vous est promis’ [51;22]. Une fois cette vérité admise, il devient facile pour l’ascète de renoncer à l’illicite car il est alors inconcevable de chercher à se procurer ce qu’Allah nous a destiné par un moyen prohibé, et cela est la base de l’ascèse selon l’Imam Ahmad. Toujours selon lui, une fois que l’on s’est totalement éloigné des choses illicites, on peut alors chercher à s’élever dans l’au-delà et atteindre les hauts degrés du Paradis en renonçant aux excès dans les choses licites. Enfin, celui qui atteint la connaissance véritable de son Seigneur et de l’au-delà pourra prétendre au plus haut degré d’ascèse consistant à renoncer à tout ce qui le distrait de Dieu.
L’ascétisme est donc une œuvre du cœur qui ne demande pas que l’on s’impose souffrances et privations pour feindre la piété et s’élever aux yeux des gens, en refusant les nourritures délicates et s’affichant dans des habits grossiers. En effet, l’ascèse ne consiste pas à tourner le dos à tous les bienfaits de ce monde, alors qu’ils nous viennent d’Allah. Et par bienfaits il faut entendre les choses matérielles comme immatérielles, telles que la position sociale, les responsabilités, ou l’autorité, bien qu’il ne faille pas courir après. Ce qui nous est demandé, c’est de ne pas nous y attacher, de ne pas désespérer de leurs pertes, et de ne pas entrer en mauvaise concurrence dans leur acquisition. Il n’est alors pas convenable d’éprouver de l’orgueil pour ce qu’Allah nous a attribué comme bienfait, ni de jalousie pour ce dont on a été privé, et rien ne vaut l’éloquence du Coran à ce sujet : ‘Sachez que la vie présente n’est que jeu, amusement, vaine parure, une course à l’orgueil entre vous et une rivalité dans l’acquisition des richesses et des enfants. Elle est en cela pareille à une pluie : la végétation qui en vient émerveille les cultivateurs, puis elle se fane et tu la vois donc jaunie ; ensuite elle devient des débris. Et dans l’au-delà, il y a un dur châtiment, et aussi pardon et agrément d’Allah. Et la vie présente n’est que jouissance trompeuse. (…) Nul malheur n’atteint la terre ni vos personnes, qui ne soit enregistré dans un Livre avant que Nous ne l’ayons créé; et cela est certes facile à Allah, afin que vous ne vous tourmentiez pas au sujet de ce qui vous a échappé, ni n’exultiez pour ce qu’Il vous a donné. Et Allah n’aime point tout présomptueux plein de gloriole.’ [57;20-22-23].