17:57 - Jeudi 21 novembre, 2024

- 19. Jumādā al-Ūlā 1446

L’ascétisme trompeur


J’ai constaté chez les ascètes de notre époque des choses démontrant l’hypocrisie et l’ostentation, alors qu’ils prétendent la sincérité. Parmi ces choses il y a le fait qu’ils veulent s’isoler des gens pour ainsi, se consacrer à l’adoration. En fait, il ne s’agit que d’établir des réputations, afin qu’on dise d’eux qu’ils vivent reclus, alors que s’ils marchaient parmi les gens, leur prestance disparaitrait ! Les gens n’étaient pas ainsi, le Messager d’Allah (paix et bénédictions sur lui) rendait visite au malade, achetait ce dont il avait besoin au marché, Abou Bakr faisait du commerce de tissu, Abou ‘Oubayda Ibn Al-Jarrah creusait les tombes, de même que Abou Talhah, Ibn Sirîn lavait les morts, sans pour autant chercher à se faire de réputation.

[...] J’ai remarqué que nombre de gens se protègent des éclaboussures d’impuretés, mais ne reculent pas devant la médisance ! Ils multiplient les aumônes, mais ne se soucient pas de leurs pratiques usuraires ! Ils veillent la nuit, mais accomplissent la prière obligatoire après son temps d’accomplissement, et d’autres choses qu’il serait trop long d’énumérer, mais qui consistent à observer ce qui est secondaire en négligeant l’essentiel. J’ai recherché les motifs et j’ai constaté que cela naissait de deux choses : la première est l’habitude, et la deuxième est la domination des passions pour atteindre son objectif.

[...] Il m’est parvenu qu’on a présenté de la nourriture à un ascète de notre époque et qu’il a dit : ‘Je n’en mange pas !’ On lui en demanda la raison et il répondit : ‘Parce que mon âme le désire et que depuis des années, je ne lui ai rien accordé de ce qu’elle désirait’. De toute évidence, cet homme n’a pas trouvé la voie du juste milieu. Un autre vint trouver al Hassan et lui dit : ‘J’ai un voisin qui ne mange pas de gâteau au miel en prétextant qu’il ne saurait être reconnaissant pour cela. -Ton voisin est un ignorant ! rétorqua al Hassan, est-il suffisamment reconnaissant pour le bienfait de l’eau fraîche ?!’.

Ces hommes avides d’ascétisme se sont inspirés de la vie monastique et, moi je crains la parole d’Allah : Ne déclarez pas illicites les bonnes choses qu’Allah vous a rendues licites. Et ne transgressez pas [5;87]. Le célèbre compagnon Ibn Omar désira une chose mais préféra la donner à un pauvre. De même, il affranchit sa domestique Rumaythah en disant : ‘Elle est la personne que j’aime le plus’. Cette manière d’agir, ainsi que d’autres similaires, est bonne, car il s’agit ici de donner prédilection à ce qui est plus précieux pour l’âme. Si cela se produit de temps à autre, cela brise la véhémence des passions en lui accordant tout ce qu’elle désire. Mais celui qui s’oppose constamment à elle aveugle le cœur, abêtit les pensées, disloque les volontés : il lui fait plus de mal que de bien…

 

Tiré des pensées précieuses d’Ibn Al-Jawzi


Rubrique: Pensées précieuses