19:10 - Lundi 30 décembre, 2024

- 28. Jumādā al-Ākhira 1446

L’aumône obligatoire [Al Zakat]


Allah le Très Haut dit : Accomplissez la prière et donnez la zakat, et tout bien que vous faites, vous le retrouverez auprès d’Allah, car Allah voit bien ce que vous faîtes [2;110]. La zakat est associée à la prière dans plus de quatre-vingt versets coraniques. Elle est le troisième des cinq fondements sur lesquels repose l’Islam [voir Al Boukhari et Mouslim]. Étymologiquement, zakat signifie accroissement et purification, dans ce sens qu’elle élève spirituellement et moralement celui qui s’en acquitte, et qu’elle est une source de purification pour son âme et ses biens. Du point de vue du droit musulman, la zakat est une aumône prescrite, que les riches doivent reverser aux pauvres. C’est ainsi que le Prophète, salut et paix sur lui, recommandait à Mouadh Ibn Jabal d’expliquer l’obligation de la zakat aux gens du Yémen : Tu leur apprendras qu’Allah le Très Haut a prescrit une aumône sur leurs biens qui sera prélevée aux riches parmi eux et destinée à leurs pauvres [Al Boukhari & Mouslim]. A l’image de la prière, l’aumône fut prescrite dès les premières révélations sans législation précise. Chacun était alors libre de donner ce qu’il voulait, quand il le souhaitait. Ce n’est qu’à partir de la deuxième année de l’Hégire, à Médine, que cette prescription fut détaillée et rendue obligatoire. Ce sujet étant très vaste, nous ne traiterons ici que des dimensions sociales et spirituelles de ce culte, en ne développant que le mode de calcul et de versement de la zakat sur l’épargne monétaire.

Aspects de droit.

Comme tout acte de culte, la zakat doit être versée avec l’intention d’obéir à Allah et à son Messager. Cette prescription incombe à tout musulman, homme et femme, dès lors que le montant de leur épargne dépasse un certain seuil pendant une année lunaire entière (354 jours). Ce seuil, le nissab est régulièrement réévalué par les institutions musulmanes des différents pays en fonction du cours de l’or (ou de l’argent) et de celui de la monnaie du pays. Il est en Octobre 2013 en France de 2 675 euros (http://www.secours-islamique.org/faq/89.html).

Cela signifie que celui qui reçoit 3 450 euros le 15 Juin 2013 doit, 354 jours plus tard, verser la zakat sur la somme qu’il aura alors, à la seule condition qu’il ne soit jamais descendu sous le seuil imposable.

Supposons qu’en Décembre, il ne lui reste plus que 2 000 euros, puis qu’en Janvier, il dépasse de nouveau le seuil de 2675 euros, alors, il devra, selon toutes les écoles exceptée celle d’Abou Hanifa, recommencer à compter sa période à partir de Janvier.

Dès qu’il possède pendant une année lunaire complète une somme supérieure au nissab, il doit alors verser 2.5% de ses économies comme zakat. Il calcule ces 2.5% sur la somme qu’il possède au jour du versement.

Reprenons l’exemple de celui qui avait 1 450 euros le 15 Juin 2013, et dont le capital n’est pas redescendu sous ce seuil pendant l’année ; supposons qu’il ait 10 000 euros au 4 Juin 2014, soit une année lunaire plus tard, il devra alors donner 10 000 x 2.5% soit 250 euros.

Si l’individu a prêté de l’argent, doit-il ou non payer la zakat sur l’argent prêté ? Diverses opinions existent à ce sujet. Notre objectif étant de simplifier celui-ci, autant que possible, nous résumerons ainsi les avis qui nous paraissent les plus justes : le musulman paie sa zakat s’il en a les moyens dès que le moment arrive sur l’argent qu’il a prêté à court terme et qu’il a bon espoir de récupérer ; s’il ne le peut pas, il la verse dès lors qu’il la récupère. S’il a prêté de l’argent à long terme, ou une somme qu’il a peu d’espoir de récupérer, alors il ne doit payer la zakat sur cet argent, qu’une fois récupéré. Il appartient à chacun d’entre nous de faire preuve de sincérité vis-à-vis d’Allah, et, s’il le faut, de plus se renseigner auprès des personnes compétentes .

Concernant les bijoux en or ou en argent que portent les femmes, il existe également différents points de vue, chacun s’appuyant bien évidement sur des textes. L’avis de Malik, Al Shafii et Ahmad est qu’elles ne paient pas la zakat sur les bijoux qu’elles ont l’habitude de porter. Pour leur part Abou Hanifa et Ibn Hazm préconisent qu’elles la paient. Al Khattabi estime qu’il est préférable et plus sûr de s’en tenir à ce dernier avis. En revanche, il y a un consensus sur le fait qu’il n’y a pas de zakat sur les bijoux en pierres précieuses, lorsqu’ils sont portés, et qu’ils ne sont pas un bien dont on fait commerce. Et Allah sait mieux !

A qui revient la zakat ? Allah le Très Majestueux cite les huit catégories d’ayant-droits à la zakat : Les aumônes ne sont destinées qu’aux pauvres, aux indigents, à ceux qui sont préposés à la recueillir et à la répartir et , à ceux dont les cœurs restent à gagner, à l’affranchissement des jougs, à ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d’Allah, et pour le voyageur. C’est l’ordre Divin, et Allah est Omniscient et Sage [9;60]. Est considéré comme pauvre, du point de vue de l’Islam, toute personne ne pouvant subvenir à son besoin quotidien (nourriture, habillement, logement, transport, outil de travail) ou à ceux de sa famille. L’individu fort et capable de gagner sa vie n’a pas le droit de recevoir la zakat [Abou Daoud & Tirmidhi, Sahih], comme l’a dit le Prophète, paix et salut sur lui. Le mieux reste de confier l’argent de sa zakat à une institution spécialisée et habilitée, comme le Secours Islamique par exemple, qui la reversera à ses ayants-droits.

Aspects sociaux de la zakat. L’objectif essentiel de la zakat dans la société est d’éliminer la misère et la pauvreté, en assurant un minimum à chacun, en réduisant l’écart entre riches et pauvres et en favorisant l’esprit de concorde et d’entraide dans la société. Les juristes ont établi que l’étudiant, le malade qui a besoin de soins lourds, la victime d’une catastrophe naturelle ou d’un grave accident, le jeune célibataire n’ayant pas de quoi se marier, et le chômeur qui malgré ses recherches ne trouve pas d’emploi, ont tous droit à recevoir une part de la zakat. Ainsi cet te aumône « nationale » devrait permettre de promouvoir l’éducation, la santé publique, l’emploi, et serait aussi un moyen efficace de lutte contre la débauche et une sorte d’assurance pour les sinistrés.

La zakat du point de vue spirituel. En tant que pilier de l’Islam, celui qui s’en acquitte espérant la Satisfaction Divine mérite Sa récompense, et celui qui devrait la verser mais s’en abstient mérite Sa Colère ; celui qui renie son caractère obligatoire, et persiste après qu’on lui ait montré les preuves, n’est pas considéré comme musulman. La zakat présente des avantages immédiats. Tout d’abord le fait de guider celui qui s’en acquitte vers la bonté pure (al birra) et de l’éloigner de l’avarice qu’Allah n’aime pas : Vous n’atteindrez la véritable piété que lorsque vous ferez largesse de ce que vous chérissez, et Allah sait bien ce que vous dépensez [3;92] ; et ceux qui se préservent de l’avarice, voilà ceux qui réussiront [64;16]. Celui qui verse la zakat doit considérer qu’il ne fait par là que s’acquitter de son devoir et ne pas considérer son œuvre comme grande ou magnifique, au risque qu’Allah la rejette. Il doit également s’abstenir de toute vantardise, ou de se montrer dur ou hautain envers celui à qui il l’a donnée, en pensant que celui-ci doit lui être redevable, car ce mauvais comportement annule le mérite des œuvres. Au contraire, dit l’imam Al Ghazaly, c’est plutôt celui qui verse la zakat, qui devrait se sentir redevable de celui qui l’accepte de lui, et lui permet alors de se purifier et d’accomplir son obligation religieuse. Le versement de la zakat, doit également être l’occasion pour celui qui l’effectue de rendre grâce à Allah qui lui a accordé une part de bien excédentaire, et  pour celui qui la reçoit de prendre conscience de la générosité Divine et de la justice et de l’équité de l’Islam. Il est enfin établit dans les versets coraniques et les traditions prophétiques le fait qu’Allah fait augmenter la valeur des aumônes de ceux qui les versent, et que ces derniers les retrouveront démultiplier au Jour de la Résurrection : Allah anéantit les intérêts usuraires et fait fructifier les aumônes [2;276]. Il est également établit que celui qui n’a pas les moyens de donner des aumônes peut atteindre le niveau de celui qui les dépense de par une intention bonne et sincère. Et Allah sait mieux !

Les pieux seront dans des Jardins et [parmi] des sources,* recevant ce que leur Seigneur leur aura donné. Car ils ont été auparavant bienfaisants : * ils dormaient peu, la nuit, et aux dernières heures de la nuit ils imploraient le pardon ; et dans leurs biens, il y avait un droit au mendiant et au déshérité [51;15 à 19].


Rubrique: Le culte