19:28 - Lundi 30 décembre, 2024

- 28. Jumādā al-Ākhira 1446

Le hadith (2/2) : De la codification à la terminologie


Le troisième siècle de l’hégire, communément appelé ‘grand siècle de la tradition’ va connaître un développement sans pareil dans la fixation par écrit des hadiths. Il est remarquable que ce soit presque exclusivement des non-Arabes, exception faite de l’imam Mouslim, qui aient déployé tant d’ardeur à établir les plus célèbre recensions, du moins celles qui feront autorité et que l’on considère au nombre de six. Le titre de Sahih (authentique) est réservé aux seuls recueils d’Al Boukhari et de Mouslim ; les quatre autres sont intitulés Sounan* (traditions), ce qui laisse entendre qu’on ne tient pas leur contenu pour nécessairement ‘authentique’. Il est à noter que ce qui n’est pas authentique n’est pas forcément faux ; en effet il ne faut pas comprendre ici les mots dans le cadre du sens linguistique mais plutôt dans de ce qui se normalisera comme une nouvelle discipline : mustalahat al hadîth ou terminologie de la critique du hadith.

Le Prophète - que la prière et le salut de Dieu soit sur lui - avait dans de nombreux hadiths, annoncé implicitement que l’on mentirait à son sujet en prétendant rapporter ses propos. Les collecteurs de hadiths par soucis de rigueur ont établi des conditions qui détermineront le caractère de celui-ci. L’authenticité d’une tradition est conditionnée dans un premier temps par la véracité de chacun des maillons constituant la chaîne de transmission, depuis le premier rapporteur direct, en principe un compagnon du Prophète (Que la prière et le salut de Dieu soit sur lui), jusqu’au dernier garant de la tradition, au stade de la fixation par écrit. A titre d’exemple, Al Boukhari après avoir identifié les garants de la tradition, s’attachait à établir la biographie de chacun d’entre eux afin de s’assurer de leur intégrité et du fait qu’ils se soient bien rencontrés ainsi que des modalités de transmission de la dite tradition : chaque individu devait l’avoir entendu de la bouche de son garant ou en avoir une preuve écrite. Ceci constitue la critique externe du hadith que l’on désigne par Al Jarh wa Ta’dil. On notera à titre indicatif un classique en la matière Kitâb al Jarh wa Ta’dil écrit par Ibn Abî Hâtim al Râzî (m. 327/939). Cette étude réalisée, le hadith sera désigné par un terme qui renvoi à son caractère fiable ou non (à titre indicatif : SahîhHassan, Da’yf, Mutassil, Marfu’).

Dans un second temps, il doit y avoir compatibilité entre hadith et les principes généraux de l’islam de même qu’avec les énoncés explicites de la révélation ; en effet la tradition a essentiellement pour but de corroborer, expliciter ou illustrer la révélation. Ce travail d’analyse constitue la critique interne du hadith. On notera les commentaires indispensables qui ont été rédigé pour mieux comprendre ces ouvrages de traditions tels que celui d’Ibn Hajar pour le recueil d’Al Boukhari et celui d’Al Nawawi pour le recueil de Mouslim.

On se doit d’évoquer ici, pour mémoire, l’hyper-criticisme de certains orientalistes au regard de la tradition islamique, dans la période allant de la fin du XIXe siècle aux années 1960. Chez nombre d’entre eux, la propension aux jugements dépréciatifs l’emporte sur le souci de sereine objectivité pour reprendre les propos du docteur Bousquet.

Pour résumer notre présent travail nous pouvons distinguer deux mouvements dans la sauvegarde du hadith : la transmission majoritairement à l’orale de celui-ci et sa mémorisation, d’une part, et la mise à l’écrit des diverses traditions reçues d’autre part. La communauté musulmane peut s’enorgueillir d’avoir eut dans son histoire des individus qui ont voué leur vie à la recherche du savoir fut-il religieux ou non et la rigueur avec laquelle ils l’ont consigné et transmis. Ces livres ne sont en apparence que des lignes noirs sur du papier blanc ; aussi, il est important que chacun d’entre nous s’applique à faire revivre ce trésor en appliquant du mieux qu’il peut ce qu’il sait et en le transmettant également à son tour. Le Prophète - que la prière et le salut de Dieu soit sur lui - ne disait-il pas : ‘Transmettez de moi ne serait-ce qu’un verset’ (Al Boukhari).

Et Dieu est plus savant…

* : les auteurs des Sunan sont : Abou Dâwoud, Al Tirmidhî, An Nassâ’î, Ibn Mâjah.

 


Rubrique: Histoire musulmane