20:07 - Lundi 30 décembre, 2024

- 28. Jumādā al-Ākhira 1446

Le rejet du rigorisme


Comme nous l’avons vu le mois précédent, la religion est aisée, selon le propos du Prophète [Al Boukhari]. Allah le Très Haut dit à au sujet de ce dernier : Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde pour l’univers [21;107], et le Prophète, paix et salut sur lui, dit à ceux de ses compagnons qu’il choisit pour enseigner l’Islam : Expliquez les choses simplement et ne les rendez pas difficile, attirez [les gens] et ne les faîtes pas fuir, et mettez vous d’accord et ne vous disputez pas [Al Boukhari & Mouslim]. Aussi si l’Islam encourage les croyants à être fermes sur les principes fondamentaux de l’Islam que sont les six piliers de la foi, les cinq piliers de la pratique et l’éloignement des péchés ; il blâme cependant la dureté [ta’sir]hors contexte et l’exagération [al ghoulou] : O gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion et ne dîtes sur Allah que la vérité [4;171]. La dureté et l’exagération provoque tôt ou tard le dégout et l’exaspération, et fait fuir de la religion :Quiconque veut rivaliser de dureté avec la religion, elle le brisera [Al Boukhari]. Ceci est souvent le fruit d’une bonne intention, mêlée à de l’ignorance et à une mauvaise compréhension des grands principes de l’Islam. Du vivant même du dernier Prophète, paix et bénédictions sur lui, ce phénomène apparut ; il le corrigea à chaque fois et enjoint ses compagnons d’en faire de même.

Al Boukhari et Mouslim rapportent ainsi qu’un homme avait fait le vœu de rejoindre la Mecque à pied pour y accomplir le pèlerinage. Le Prophète désapprouva son projet disant qu’Allah n’avait pas besoin de ce qu’il faisait subir à son corps. Les auteurs des Sounan rapportent qu’un homme jeûnait en pleine expédition dans le désert ! Le Prophète, paix et salut sur lui, blâma cette attitude disant : Ce n’est pas de la piété que de jeûner dans un [tel] voyage. Trois hommes qui venaient de se renseigner sur la pratique du Prophète, paix et bénédictions sur lui, jurèrent tour à tour, pour le premier de ne jamais se marier, pour le deuxième de jeûner toute sa vie, et pour le troisième de passer toute ses nuits en dévotion. Le Prophète condamna leurs prétentions, en affirmant que la ligne de conduite prophétique consistait à jeûner certains jours, mais pas tous, à partager sa nuit entre les prières et le sommeil, et à se marier [Al Boukhari & Mouslim]. C’est comme si tous ces gens avaient pensé qu’Allah aimait à les voir souffrir, comme Allah est bien au-dessus de cela ! Si Allah l’avait voulu, Il vous aurait accablé [2;220] dit le Coran, mais heureusement, ce n’est pas cela qu’Allah a voulu pour ses créatures !

Allah ne charge personne au-delà de ses capacités [2;286], et se contenter de bien pratiquer le minimum obligatoire sans rien y ajouter peut être suffisant pour gagner la Satisfaction d’Allah comme l’a dit le Prophète à un bédouin venu l’interroger sur les piliers de l’Islam. A chaque fois que le Prophète, paix et salut sur lui, évoquait une obligation, le bédouin répondait qu’il se contenterait de cela et n’y ajouterai rien. Lorsqu’il partit, le Prophète dit à ceux qui l’entouraient : S’il tient parole, il entrera au Paradis [Boukhari & Mouslim]. Et dans le hadith Qoudsi, Allah dit : Mon serviteur ne s’est jamais rapproché de Moi par une œuvre plus aimable à Moi que les obligations que Je lui ai imposées [Al Boukhari].

L’Islam est la religion révélée par Allah Qui nous a créé, et Il sait que nous n’avons pas tous les mêmes capacités. Celui qui peut faire plus que les seules obligations doit le faire, Allah disant dans le hadith précédemment cité : Il ne cesse de se rapprocher de Moi par des œuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Seulement, il doit s’en tenir dans les œuvres surérogatoires à la Sounnah, sans innover, sans exagérer, et sans surestimer sa force. Le peu fait avec constance jusqu’à la fin de sa vie, vaut mieux qu’une œuvre énorme entreprise un temps et inachevée. Ensuite, il ne doit pas imposer aux autres ce qu’il s’impose à lui-même. Al Boukhari et Mouslim rapportent que le Prophète se mit en colère lorsqu’il apprit que l’imam qu’il avait nommé pour diriger la prière à Qouba, un quartier de la périphérie de Médine, et qu’il aimait et estimait fortement par ailleurs, prolongeait ses prières à tel point que les gens fuyaient la mosquée pour célébrer la prière seuls chez eux, et perdant ainsi une immense récompense ! L’Imam doit se souvenir que derrière lui sont des personnes âgées, des jeunes enfants, des malades, et des gens qui ont d’autres choses importantes à faire après la prière.

De plus, notre religion offre des facilités, comme le fait, dans certaines occasions, de raccourcir ou de regrouper ses prières, ou encore, de reporter le jeûne. Ce n’est pas de la piété que d’en faire abstraction. Le Prophète, paix et salut sur lui, dit : Allah aime que l’on prenne ses dérogations comme Il aime que l’on pratique ses obligations [Ibn Hibban]. Il arriva une fois qu’un homme blessé allât demander à un groupe de musulmans, comment il devait faire ses ablutions. Il craignait que l’eau n’aggrave sa douleur. Ceux-ci lui imposèrent de faire ses ablutions avec de l’eau et l’homme mourut par la suite. Dans son cas, le recours aux ablutions sèches [Tayyamoum] était permis et même requis comme le dit le Prophète. Ces gens là ont été durs dans leur fatwa et le Prophète, paix et salut sur lui, les a accusés d’avoir ‘tué’ cet homme [Abou Daoud, Ibn Majah, Al Daraqoutni, Authentifié par Ibn Al Sakan] ! Imposer à la femme enceinte craignant pour sa santé ou pour celle de son enfant, ou au malade de jeûner, refuser d’être soigné par une personne de sexe opposé lorsque l’on craint pour sa vie et qu’on ne peut faire autrement, ou s’abstenir de manger d’une nourriture normalement illicite lorsque l’on est sur le point de mourir de faim, sont autant d’exemples de dureté hors contexte.

Fait également parti des signes du rigorisme le fait d’élargir le champ des interdictions ou celui des obligations, rendant obligatoire ou interdit ce qui ne l’est pas ou dont le statut fait objet de divergences.

Le fait d’adopter de nouvelles règles, comme par exemple interdire aux femmes l’accès aux mosquées ; est une autre forme de dureté hors contexte et blâmable.

Le fait de ne pas accepter la divergence sur des sujets n’ayant pas traits aux fondamentaux, et de qualifier les avis qui divergent des nôtres ou que nous ne connaissons pas d’innovations religieuses [bida’a] est un signe de dureté. Est-il permis ou non de lever systématiquement ses mains ouvertes vers le ciel au cours des invocations ? Et de passer ensuite celles-ci sur nos visages ? Est-il permis de faire l’invocation de qounout pendant la prière de Sobh ou durant les autres prières ? Est-il permis ou non de se regrouper pour évoquer Allah à voix haute par des invocations coraniques et prophétiques ? Voici des exemples de sujets admettant diverses opinions. Libre à chacun de suivre l’avis qu’il estime le plus juste, sans pour autant traiter ceux qui suivent un autre avis de s’être égaré, de suivre leurs passions ou de faire preuve de laxisme.

Le laxisme est plutôt le fait de prendre des libertés vis-à-vis des principes fondamentaux de l’Islam et sur les règles non sujettes à divergence entre les ‘oulamas. L’intransigeance à ce niveau est requise, et ne peut en aucun cas être taxée de rigorisme. Voici les limites Divines [houdoudoullah] ; et quiconque transgresse les limites Divines est injuste envers lui-même [65;1].

Et Allah sait mieux…


Rubrique: La religion médiane