Après avoir mené à bien une mission qui l’occupa jours et nuits durant vingt-trois années pour affronter les forces les plus obscures de l’humanité, pour créer le noyau de l’Islam et impulser la dynamique qui allait éclairer la terre pendant des siècles, le Prophète Mohammad (paix et salut sur lui) s’apprêtait à prendre sa retraite auprès du Compagnon le Plus Élevé. Avant cela, comme pour dresser un bilan de sa mission, et rappeler les points fondamentaux de son message, l’Envoyé d’Allah (paix et salut sur lui) tint un grand discours à l’occasion de son premier et dernier pèlerinage qui eut lieu quelques mois avant son décès, dix ans après l’Émigration.
Le Prophète (paix et salut sur lui) dit : « Ô peuple ! Prêtez-moi une oreille attentive, car je ne sais pas si je serai encore parmi vous l’an prochain. Alors, écoutez ce que je dis avec beaucoup d’attention et transmettez ces mots à ceux qui ne pouvaient être présents aujourd’hui.
Ô peuple ! Tout comme vous considérez ce mois, ce jour et cette cité comme sacrés, considérez aussi la vie et la propriété de tout musulman comme sacrées.
Rendez les biens qu’on vous a prêtés à leurs propriétaires de droit.
Ne faites de mal à personne de façon à ce qu’on ne vous fasse pas de mal.
Souvenez-vous qu’un jour vous rencontrerez votre Seigneur et Il vous demandera des comptes sur vos actions en ce monde.
Dieu vous a interdit l’usure. Alors, toute obligation usuraire doit désormais être annulée. Votre capital est à vous. Vous n’infligerez ni souffrirez d’aucune iniquité. Dieu a jugé qu’il ne devait pas y avoir d’usure et que toute usure due à Abbas Ibn Abd Al Muttaleb est annulée.
Toutes les requêtes en vue d’obtenir réparation des homicides de la période préislamique sont désormais annulées et les premières que j’abolis sont ceux qui découlent du meurtre de Rabiah Ibn Al Harith.
Ô peuple ! Les impies manipulent le calendrier afin de rendre profane ce que Dieu a fait sacré et de sacraliser ce que Dieu a rendu profane. Selon Dieu, les mois sont au nombre de douze. Quatre d’entre eux sont sacrés. Trois d’entre eux sont successifs et un survient entre les mois de Joumada et de Shaban.
Faites attention au Diable, pour le bien de votre religion. Il a perdu tout espoir de vous égarer par les grands péchés, alors faites attention de ne pas le suivre dans les petits péchés.
Ô peuple ! Il est vrai que vous avez des droits sur vos femmes, mais elles ont aussi des droits sur vous. Souvenez-vous que vous les avez prises comme femmes seulement avec la permission de Dieu et en remplissant un pacte avec Lui. Si elles vous restent fidèles, alors il leur revient le droit d’être nourries et vêtues dans la bienséance. Traitez bien vos femmes et soyez bons avec elles, car elles sont vos partenaires et vos assistantes dévouées. Et c’est votre droit qu’elles ne fréquentent pas des gens qui vous sont antipathiques, ainsi que de ne jamais être infidèles.
O peuple ! Écoutez-moi avec sincérité. Adorez Dieu, accomplissez vos cinq prières quotidiennes, jeûnez pendant le mois du Ramadan, donnez l’aumône sur vos biens, accomplissez le pèlerinage si vous le pouvez.
Toute l’humanité descend d’Adam et Eve. Un Arabe n’est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe n’est pas supérieur à un Arabe. Un blanc n’est pas supérieur à un noir et un noir n’est pas supérieur à un blanc – seulement par la piété et la bonne action.
Sachez que les musulmans sont frères.
Le bien d’autrui n’est pas légitimepour un musulman excepté celui que son frère lui donne de plein gré. Alors, ne soyez point injustes envers les autres.
Souvenez-vous qu’un jour vous rencontrerez Dieu et répondrez pour vos actions en ce monde. Alors faites attention ! Ne vous égarez pas du chemin de la piété après mon départ.
Ô peuple ! Aucun prophète ou messager ne viendra après moi et aucune nouvelle croyance ne naîtra. Raisonnez bien alors, O peuple, et comprenez les mots que je vous transmets.
Je vous laisse deux choses en héritage : le Coran et ma Sounnah. Si vous les suivez, vous ne vous égarerez jamais.
Tous ceux qui écoutent devront transmettre mes paroles aux autres et les autres, à d’autres encore, de façon à ce que les derniers comprennent mes paroles encore mieux que ceux qui m’écoutent directement.
Sois témoin, O Dieu, que j’ai transmis Ton message ».
Conclusion : Nous voyons comment dans ce prêche le Prophète (paix et salut sur lui) veille à rappeler les principes fondamentaux d’une société véritablement musulmane : sacralité de la vie, et de la propriété, interdiction de voler, de nuire, d’être injuste envers autrui. Le principe fondateur du commerce équitable et de ce que l’on appelle aujourd’hui la « finance islamique » est rappelé ici dans l’interdiction formelle de l’usure. Le Prophète (paix et salut sur lui) appelle aussi au respect des femmes et de leurs droits, bafoués avant l’Islam, et pour l’établissement desquels il s’est battu. Le Prophète (paix et salut sur lui) rappelle après tous ces principes éthiques les fondamentaux pratiques de l’identité musulmane : prières, aumône, jeûne de Ramadan et pèlerinage. Ce schéma de discours nous rappelle l’expression des dix commandements de la sourate al an’am. Puis les valeurs évoquées dans la sourate al houjourat apparaissent ensuite avec les principes d’égalité des « races » et de fraternité dans la foi. Le rappel de l’au-delà et de la rencontre avec Allah revient comme une sorte de refrain qui articule le discours. Enfin, en guise de conclusion, le Prophète (paix et salut sur lui) nous indique quel est son héritage et comment ne pas nous égarer après sa disparition : nous attacher à la Parole d’Allah et à sa traduction pratique qu’est la Sounnah du Prophète (paix et salut sur lui), en sachant qu’Allah a garanti la préservation des Textes de cette ultime religion jusqu’à ce que l’Heure se lève.