Précédemment, nous nous étions intéressés à la période du califat bien guidé, qui conformément à la prédiction du Prophète (paix et salut sur lui), s’étendit sur une durée de trente années : deux ans et demi avec Abou Bakr, dix ans avec Omar, douze années avec Othman, cinq ans avec Ali et six mois pour al-Hassan. Nous avons tout d’abord tenté de présenter succinctement le mode d’élection du Calife, basé sur le principe coranique de la libre concertation (choura). Héritier de la Prophétie, le Calife doit être choisi après consultation de la communauté musulmane, en dehors de toute préoccupation sociale ou raciale. Sa légitimité est obtenue après l’approbation de la majorité (joumhour) sous la forme d’un contrat d’allégeance (mubâya’a). Puis, nous avons évoqué quelques unes des qualités des califes bien guidés caractérisant leur piété et leur droiture. Présentement, nous nous pencherons sur certaines des grandes réalisations du califat bien guidé.
L’affirmation de l’autorité de l’État : Après la mort du Prophète, certaines tribus d’Arabie se refusèrent à verser l’aumône légale (zakât) la considérant comme un impôt et non comme une obligation religieuse. Or la zakât est non seulement le troisième pilier de l’Islam mais elle est aussi un moyen de lutter contre l’injustice sociale, et de servir des causes d’utilité publique. Le calife Abou Bakr décida alors d’appeler les tribus à revenir sur leur décision. Si ces dernières refusaient, alors elles seraient combattues. Certains compagnons conseillèrent au calife de renoncer à cette décision, de peur de voir des musulmans s’affronter. Mais, outre la nécessité de la zakât pour la société musulmane, Abou Bakr savait bien que si l’une des colonnes de l’édifice venait à s’effriter, ce dernier ne tarderait pas à s’effondrer. La clairvoyance du calife permit donc d’affirmer l’autorité de l’État dans toute l’Arabie et la suprématie de la Loi, dans une région qui avait été gouverné des siècles durant par l’esprit tribal.
L’assemblage du Coran : Le Prophète reçut la Révélation durant vingt trois années. Il enseigna aux musulmans, hommes et femmes, le Coran, qui fut mémorisé, récité dans les prières, mais aussi mis par écrit sur divers matériaux (feuillets, peaux…). De nombreux compagnons le mémorisèrent complètement. On les appelle al-qourra’. Durant le califat d’Abou Bakr, beaucoup d’entre eux moururent dans des guerres pour la défense de l’Islam. De peur de voir le Coran se perdre, le Calife ordonna à Zayd ibn Thâbit, anciennement scribe du Prophète et fin connaisseur du Livre de Dieu, de réunir tous les écrits coraniques et de les assembler. La Sainte Écriture fut ensuite recopiée sur des feuillets et conservée sous la forme d’un volume (moushaf) pour les générations futures. Par ailleurs, il faut savoir que le Prophète a dit : ‘Ce Coran m’a été révélé selon sept lettres’ [Boukhari & Mouslim] signifiant par là que Dieu a révélé Son Livre à Son Messager et lui a permit de l’enseigner en fonction des différents dialectes de la langue arabe, pour en faciliter la compréhension. Ainsi, d’une ‘lettre à l’autre’, certains mots ou expressions pouvaient variés compte tenu des particularités de chaque dialecte, tout en ayant la même signification, ce qui ne changeait pas le sens des versets. Sous le Califat de Othmân, la terre de l’Islam s’était considérablement étendue. Les nouveaux musulmans, parfois non arabes, qui n’avaient pas connu le Prophète, pouvaient avoir parfois du mal à accepter l’existence de ces nuances. Certains se mirent à se disputer pensant que leur lecture était plus juste que celle des autres. Othmân ordonna alors de réaliser des copies du Coran à partir du moushaf d’Abou bakr. Ces copies furent rédigées selon le dialecte de la principale tribu arabe (al Qouraich). Le Coran fut d’ailleurs révélé en grande partie dans ce dialecte.
La copie obtenue fut envoyée aux quatre coins du monde musulman. Tout autre exemplaire ou feuillet faisant référence à un autre dialecte fut brûlée. Ainsi l’unité des musulmans autour du Coran fut préservée et le dessein de Dieu accompli : En vérité c’est Nous qui avons fait descendre le Coran, et c’est Nous qui en sommes les gardiens (15,9).
L’organisation de l’État et de ses institutions : C’est sous le Califat de Omar en premier lieu, puis de Othman, que se consolida l’organisation de l’État et des institutions : mise en place d’une administration par secteur, organisation de l’armée et de la magistrature, recensement, choix de l’Hégire comme origine du nouveau calendrier, mouvement d’urbanisation, dotations foncières, développement des voies maritimes…
L’expansion de l’Islam (Al foutouhat) : En quelques décennies, l’Islam se répandit sur de vastes territoires : du nord-est (Irak, Iran), en passant par les portes de l’Asie, à l’ouest en Syrie, en Égypte puis en Afrique. Ces conquêtes n’avaient pas pour but le pillage des richesses, ou l’avilissement de leurs populations. Leur unique objectif était de transmettre le Message Divin, sans pour autant chercher à l’imposer. D’ailleurs, certaines régions accueillirent plutôt bien les musulmans, notamment en Perse et en territoire Byzantin où les populations croulaient sous les impôts, exploitées par l’aristocratie urbaine. L’attachement du Coran au principe de justice allait clairement améliorer leur situation. De plus, le message de l’Islam apportait des réponses claires quant au sens de l’existence. Devant l’ambiguïté de certaines croyances, de nombreux peuples furent donc séduits par la clarté et la fraîcheur du Message Divin.
Et Allah sait mieux !