16:31 - Samedi 21 décembre, 2024

- 19. Jumādā al-Ākhira 1446

L’Imam Malik


 « Il viendra bientôt une époque où les gens entreprendront de longs voyages à dos de chameaux à la recherche du savoir, sans trouver de savant plus docte que celui de Médine… » [Al Tirmidhi, hassan]

 L’Islam sunnite compte principalement quatre écoles juridiques ; hanafite, shafi’ite, hanbalite et malékite. Cette dernière tire son nom de son fondateur, l’Imam Malik Ibn Anas (qu’Allah le comble par Sa miséricorde). La religion musulmane fut transmise, après le Sceaux des Prophètes Mohammed (paix et salut sur lui) par ses Compagnons (qu’Allah soit satisfait d’eux) puis par les Suivants, les Suivants des Suivants et les grands savants de l’Islam (qu’Allah les comble par Sa miséricorde). Né autour de l’an 93 de l’Hégire, l’Imam Malik vit le jour dans une famille de pieux prédécesseurs de Médine, la ville du Prophète (paix et salut sur lui) appartenant ainsi aux Suivants des Suivants.

Jusqu’à l’âge de douze ans, le jeune Malik passait le plus claire de son temps à jouer, comme la plupart des enfants. Jusqu’au jour où ses parents l’orientèrent vers la quête de la science, le parfumant et le parant pour cela de ses plus beaux vêtements. Il débuta alors la mémorisation du Noble Coran avant de s’initier à la science du hadith qu’il ne tarda pas à maîtriser avec brio. Ce n’est qu’après avoir acquis ce savoir, qu’une seule vie ne nous suffirait pas à acquérir, que l’Imam Malik entama son « cursus » d’apprentissage auprès de plus de 900 savants parmi les plus érudits de son époque ! Le plus influent d’entre eux fut sans doute le Suivant Ibn Hourmouz, définit par Malik lui-même comme étant « le plus docte des gens ». Un compliment que lui avait déjà adressé, bien avant cela, son professeur ; l’imam Malik rapporte en effet ; « un jour, notre père nous interrogea sur un cas d’espèce. Mon frère émit une réponse exacte, quant à moi, je ne savais que dire. Alors, mon père me dit ; ‘ ton divertissement avec les pigeons t’as détourné de la quête de la science ’. Je fus aussitôt exaspéré, et depuis, je n’ai cessé de fréquenter Ibn Hourmouz pendant une durée de sept années, sans lui associer un autre (professeur). Je mettais dans mes poches des dattes, que je donnais à ses enfants en leur disant : ‘ Si quelqu’un vous interroge au sujet du maître, dîtes-lui qu’il est occupé ’. Ainsi, un jour Ibn Hourmouz demanda à sa servante : ‘ Qui est à la porte ? ’ Une fois dehors elle ne vit que Malik et retourna le lui dire. Le maître lui dit alors : ‘ Faîtes-le entrer, c’est le plus docte des gens…’ » Et c’est dès l’âge de 17 ans, avec l’approbation de ses maîtres, que l’Imam Malik se mit à enseigner la religion dans des cercles autour desquels se pressaient toujours plus d’étudiants.

L’Imam Malik puisait avec justesse dans le Noble Coran et la Sounna les éléments qui constitueront sa jurisprudence. En plus de ces deux sources sacrées, il se basait aussi sur l’avis des Compagnons, des Successeurs, du consensus des savants et de la pratique des juristes de Médine. De plus, l’Imam s’appuyait pour ses avis religieux sur l’intérêt public, mais également sur les usages et les coutumes, après l’analyse et le passage des informations collectées par le filtre du Coran et de la Sounna. Cela nous amène à nous rappeler que le Coran a été révélé en langue arabe, et la maîtrise de cette langue est une nécessité pour celui qui s’engage dans le chemin de l’interprétation des textes religieux. Sans une maîtrise suffisante, on doit avoir l’humilité de se contenter de l’étude des avis religieux. A ce sujet, l’Imam Malik disait, à juste titre : « si on m’amène un homme qui interprète le Coran sans être savant en langue arabe, je le punirai très certainement » De son temps, deux grandes méthodologies s’affrontaient ; l’une prônant l’application stricte  et rigoureuse des textes, l’autre mettant en avant l’effort intellectuel et l’opinion personnel.  L’Imam Malik étudia les deux méthodologies et mît la main sur ces deux sciences, établissant ainsi sa suprématie dans le domaine religieux. Il maîtrisait le Coran et le Hadith et ses avis faisaient bien souvent l’unanimité au point qu’il arrivât que l’on demande à un savant contemporain d’émettre un avis religieux, et ce dernier de répondre; « peut-on donner une fatwa de jurisprudence religieuse alors que ce docte se trouve à Médine ? » L’Imam Ach-Chafi’i disait que si le hadith nous parvient par la voie de Malik, il faut l’admettre sans aucune hésitation. At-Tirmidi disait dans son recueil que personne parmi les hommes n’est plus noble et plus éloquent que Malik Ibn Anas en matière de sciences… » Pour autant, il ne prétendait pas être infaillible, et lorsqu’il ne savait pas il répondait simplement ; « je ne sais pas ». On rapporte à ce sujet qu’une personne venue à lui, de son lointain pays, pour lui poser une question insista en ces termes ; « tu me réponds que tu ne sais pas, toi le grand Imam de Médine… que vais-je dire aux miens ? » l’Imam répondît ; « dis-leur que Malik ne sait pas » Il n’aimait pas que ses avis pour lesquels il n’était pas sûr, soient retranscrits sachant qu’il pouvait faire évoluer son opinion sur telle ou telle question, disant sans gêne que ce ne sont que des opinions, qu’il pouvait se tromper et revenir sur son erreur.

Sa principale œuvre est Al Mouwatta, dont la signification rapprochée pourrait être « le chemin aplani » que l’Imam s’est efforcé de tracer pour tout musulman à la recherche d’un guide pratique, claire et explicite. Récitée en 40 jours à ses élèves, l’œuvre en question a été écrite en 40 ans, après que l’Imam ait compilé et écrit 100.000 hadiths. L’inspiration pour la rédaction d’un tel ouvrage lui est venue du calife de l’époque, qui dit à Malik ; « écris donc un livre qui soit utile à la communauté, évite les facilités d’Ibn Abbas, la rigidité d’Ibn ‘Oumar et la marginalité d’Ibn Mas’oud. Facilite-le pour les gens ». Malik aurait dit alors ; « Il m’a appris le classement ». L’Imam Ach-Chafi’i disait qu’ « il n’y a sur terre de livre de science (islamique) plus correct que Al Mouwatta de Malik ». Malgré la prédominance de son livre, l’Imam Malik refusa l’appel d’un calife qui lui proposa d’accrocher son œuvre sur la Ka’ba, lui rappelant que « la divergence entre les savants est une miséricorde de Dieu envers cette communauté ».

A l’approche de sa mort, l’Imam Malik pleura abondement par crainte des fatwas qu’il ait été amené à prononcer de son vivant. Après 22 jours de souffrance, il succomba à la maladie en l’an 179 de l’Hégire et retourna à son Créateur… qu’Il lui fasse miséricorde.


Rubrique: Biographies