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- 19. Jumādā al-Ūlā 1446

Othman Ibn ‘Affan (2ème partie)


Le Califat

Après avoir été poignardé et sachant qu’il ne lui restait plus que quelques heures à vivre, Omar Ibn Al Khattab proposa six personnes pour reprendre le flambeau de la gouvernance juste : Ali, Othman, Ibn Awf, Talha, Al Zoubayr et Ibn Abi Waqas ; tous ceux à qui le Prophète (paix et salut sur lui) avait promis le paradis dans les premiers jours de l’Islam, hormis Ibn Al Jarrah qui était mort pendant le califat de ‘Omar et Saïd Ibn Zayd. On pense qu’Omar n’a pas proposé ce dernier car étant de sa famille, les béni Adiy. En effet, ‘Omar ne voulait surtout pas prendre le risque de voir une famille s’accaparer le pouvoir. C’est aussi pour cette raison qu’il exhorta ses propres enfants à ne pas briguer le commandement. Les six personnes désignées se mirent alors d’accord pour élire ‘Othman. Ibn Awf et Ali furent les premiers à faire acte d’allégeance.

Othman fut un dirigeant juste et libéral, qui poursuivit l’entreprise d’essor territorial. L’Afrique du Nord, une partie du Khorassan, et de l’Inde furent rattachés à cette époque au royaume de la foi.

L’une ou la plus grande réalisation d’Othman, celle qui restera dans la postérité, fut très certainement le travail d’uniformisation du recueil coranique. Abou Bakr avait lancé le premier volet de ce projet qui consistait en la compilation du Coran mettant bout-à-bout l’ensemble des sourates révélées dans l’ordre. Othman est allé plus loin en ordonnant que l’écriture du Coran soit normalisée et uniformisée. Les différences liées aux dialectes et aux prononciations ne devraient pas être mises par écrit et ce pour ne plus laisser la place aux divergences dans l’écriture du Livre et aux conflits que cela entraînait dans des populations souvent tout juste converties et non-arabophones.

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La sédition (la fitna)

Al Zouhry dit : « ‘Othman gouverna douze ans. Les six premières années se déroulèrent sans problème. Les qurayshites préféraient même ‘Othman à son prédécesseur du fait de son caractère plus libéral. La seconde partie de son règne, qui conduira à son assassinat, sera marquée par ce que les historiens ont appelé la fitna ».

Nous avons déjà évoqué le sujet de la fitna dans notre rubrique sur l’histoire musulmane accessible en ligne. Ce que nous retenons c’est qu’une opposition violente et aux arguments relativement faibles s’est développée dans plusieurs villes du Califat sous l’instigation d’agitateurs politico-religieux, notamment un certain Ibn Saba.

Les accusations des détracteurs d’Othman paraissent totalement grotesques aujourd’hui ; pourtant elles trouvèrent un écho et demeurent révélatrices de la méthode kharijite. Celle-ci a consisté à décrédibiliser Othman religieusement, via l’accusation d’innovation, et politiquement, via l’accusation de favoritisme, puis de l’accuser d’infidélité à Dieu pour finalement légitimer la violence et le meurtre.

Les rebelles taxèrent ainsi ce grand compagnon et gendre du Prophète (paix et salut sur lui) d’être un innovateur en lui reprochant d’interpréter des directives du Prophète (paix et salut sur lui) et de ne pas les observer littéralement. Ainsi ciblèrent-ils Othman pour les prières qu’il ne raccourcit pas lors de ses séjours à La Mecque, pour les enclos qu’il fit bâtir pour abriter les chameaux abandonnés et pour l’uniformisation de l’écriture du Coran. Or Othman était plus à même de comprendre les objectifs et les circonstances des textes, l’évolution du contexte et l’intérêt général, qui permettait de prendre du recul vis-à-vis d’une approche littérale., et il était soutenu dans ses décisions par la majorité des compagnons.

Sur le plan politique, les principaux griefs des rebelles étaient la nomination par Othman de jeunes à des postes à responsabilité et le fait que celui-ci faisait des dons importants à sa famille. Pour ce qui est des nominations, Othman faisait primer le critère de compétence sans regard à l’âge des responsables ; et pour ce qui est des dons, ceux-ci provenaient des fonds personnels d’Othman acquis à l’époque où il était commerçant et jamais du trésor public.

Nous voyons que les arguments des détracteurs du calife étaient infondés. Par ailleurs, nous voyons que la foi de ceux-ci était pour le moins défaillante. En effet, comment croire que le Prophète (paix et salut sur lui) était préservé par Allah et guidé par Lui, et qu’il ait pu choisir un si mauvais compagnon et un si mauvais gendre ?

 

Les facteurs ayant favorisé la fitna

Le chaykh et historien Ali Al Salabi considère que l’agitation politique ou fitna a pu prendre de l’ampleur du fait de six facteurs que sont :

1) L’accroissement des richesses dues aux conquêtes, celles-ci encourageant les convoitises d’opportunistes,

2) Les changements brutaux de la société provoqués par l’élargissement très rapide du royaume, et qui aurait nécessité une adaptation aussi rapide du système politique,

3) L’émergence d’une nouvelle génération qui n’a pas connu le Prophète (paix et salut sur lui), ce qui a créé une forme de clivage générationnel et un problème de communication,

4) Le décès et l’expatriation d’une majorité de compagnons, qui de ce fait n’ont pu être présent dans la capitale, Médine, pour soutenir Othman et faire front commun face aux opposants,

5) Le retour de l’esprit clanique/tribal qui était en vogue dans la Jahiliya et que le Prophète (paix et salut sur lui) avait pourtant combattu farouchement, ouvrant la porte aux divisions et aux tensions intertribales,

6) La montée en puissance d’un leader radical de l’opposition en la personne d’Ibn Saba.


Rubrique: Les Compagnons