20:03 - Lundi 30 décembre, 2024

- 28. Jumādā al-Ākhira 1446

Remettre le texte dans son contexte


Allah le Très Haut fait dire à Son Prophète (paix et salut sur lui) : voici ma voie, j’appelle à Dieu avec clairvoyance, moi et ceux qui me suivent. Et gloire à Dieu, je ne suis point du nombre des idolâtres [12;108]. Si l’obéissance au Prophète (paix et salut sur lui) et l’observance de sa Sounnah en général et en particulier sont requises, cela ne signifie pas pour autant que l’on doive appliquer bêtement les textes, sans les comprendre et sans les analyser. Plutôt, devons-nous faire l’effort de bien étudier les textes afin de les mettre correctement en pratique et gagner ainsi la Satisfaction Divine. À l’inverse, il peut arriver qu’une application « bête et méchante », sans avoir pris le temps de comprendre, nous pousse à transgresser et à aller à l’encontre des objectifs de la religion, ce qui risque de provoquer la Colère de Dieu. Annonce la bonne nouvelle à Mes serviteurs qui prêtent l’oreille à la Parole, puis suivent ce qu’elle contient de meilleur. Ce sont ceux-là que Dieu a guidés et ce sont eux les doués d’intelligence ! [39;17-18]. Parmi les méthodes qui nous permettront, par la permission de Dieu, de parvenir à une bonne compréhension, il y a le fait de contextualiser les textes. Cela vaut pour le Coran, et encore plus pour la Sounnah, du fait de son caractère plus particulier et plus temporel.

Prenons le cas de l’aumône obligatoire sur la monnaie. À l’époque du Prophète (paix et salut sur lui), deux monnaies étaient utilisées pour les échanges commerciaux : le dirham d’argent et le dinar d’or, avec un rapport d’un à dix entre les deux, ce qui signifie qu’un dinar or avait la même valeur que dix dirhams argent. C’est pour cela que le Prophète (paix et salut sur lui) a fixé un seuil (nissab) équivalent pour déterminer qui était redevable de l’aumône obligatoire dite zakat al maal, à savoir : deux cent dirhams ou bien vingt dinars. Si 1 dinar = 10 dirhams alors 20 dinars = 200 dirhams, le nissab est donc le même que l’on se base sur l’argent ou l’or. Ceci dit, avec le temps, les cours des deux métaux précieux ont évolué et le rapport entre les deux n’est plus le même : le cours de l’or est désormais bien plus élevé que celui de l’argent. Pour l’exemple, à l’heure où nous écrivons ces lignes, la valeur du nissab basée sur le cours de l’or est de 2 643€, tandis que si l’on se base sur le cours de l’argent, le nissab serait de 280 €. Le nissab est désormais dix fois plus élevé lorsqu’on se base sur le cours de l’or plutôt que sur le cours de l’argent ! Le principe de la zakat est, de la bouche même de l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) de prendre aux plus riches pour reverser aux plus pauvres [Al Boukhari & Mouslim]. Peut-on considérer aujourd’hui, dans notre société et notre contexte qu’une personne est riche, parce qu’elle a réussi à épargner 280 € après une année ? Il est évident que non ! Par ailleurs, nous savons bien que les monnaies modernes ont pour origine l’indexation sur l’or, même si celle-ci a depuis été abandonnée. C’est ce qui a poussé nombre de savants à statuer que le nissab basé sur la valeur de l’or est à notre époque le meilleur indicateur de la richesse d’une personne pour déterminer si elle doit ou non verser la zakat.

Nous pouvons aussi parler de la zakat el fitr, que le Prophète (paix et salut sur lui) avait fixée à un sa’ (unité de mesure) de nourriture, de dattes, d’orge, de fromage ou de raisins secs et qui devait être versée le jour de l’aïd el fitr avant la prière. Mou’awiya est parmi les premiers à s’être éloigné de la stricte lettre du texte pour continuer à en respecter l’esprit, et parce qu’il avait saisi le contexte et le but de cette prescription. En effet, lorsque le blé commença à devenir une marchandise répandue dans le monde musulman, Mou’awiya établit que la zakat sur ce produit serait non pas d’un sa’ mais de deux, car le blé avait moins de valeur que les autres produits cités par le Prophète (paix et salut sur lui). D’autres compagnons autorisèrent également à cette époque le fait de verser la zakat el fitr un ou deux jours avant l’aïd, bien que le Prophète (paix et salut sur lui) ne l’ait pas fait, parce qu’ils avaient saisi que le but de cette aumône était qu’elle parvienne aux pauvres le jour de l’aïd, or les musulmans gouvernaient à cette époque des provinces lointaines et pauvres, et il fallait du temps pour transférer les richesses dans ces régions. Plus tard, l’Imam Ahmad autorisa que l’on verse la zakat al fitr à la mi-Ramadan et Al Shafi’i autorisa même à la verser au début du mois béni. Abou Hanifa permit quant à lui que l’on verse l’équivalent de la zakat en monnaie plutôt qu’en produits agricoles. D’autres grands savants comme l’Imam Al Boukhari, Soufian Al Thawri ou encore le cinquième khalife bien-guidé, ‘Omar Ibn ‘Abd El ‘Aziz adoptèrent également cet avis. En Arabie, à l’époque du Prophète (paix et salut sur lui) la monnaie n’était pas le principal moyen de transaction, les gens procédaient fréquemment au troc, en échangeant des marchandises, et beaucoup de Médinois étaient agriculteurs. Plus tard, la monnaie se répandit et devint le principal moyen d’échange, le troc disparut petit à petit, d’où la position juste et intelligente de ces grands savants qui avaient compris le principe de la prescription, ses objectifs, et qui avaient conscience du contexte dans lequel elle avait été formulée, et du contexte différent dans lequel les gens vivaient à leur époque. 

À suivre, incha Allah…


Rubrique: Bien comprendre la Sounnah