19:48 - Jeudi 21 novembre, 2024

- 19. Jumādā al-Ūlā 1446

La sacralité de la Vie


 وَاتْلُ عَلَيْهِمْ نَبَأَ ابْنَيْ آَدَمَ بِالْحَقِّ إِذْ قَرَّبَا قُرْبَانًا فَتُقُبِّلَ مِنْ أَحَدِهِمَا وَلَمْ يُتَقَبَّلْ مِنَ الْآَخَرِ قَالَ لَأَقْتُلَنَّكَ قَالَ إِنَّمَا يَتَقَبَّلُ اللَّهُ مِنَ الْمُتَّقِينَ (27) لَئِنْ بَسَطْتَ إِلَيَّ يَدَكَ لِتَقْتُلَنِي مَا أَنَا بِبَاسِطٍ يَدِيَ إِلَيْكَ لِأَقْتُلَكَ إِنِّي أَخَافُ اللَّهَ رَبَّ الْعَالَمِينَ (28) إِنِّي أُرِيدُ أَنْ تَبُوءَ بِإِثْمِي وَإِثْمِكَ فَتَكُونَ مِنْ أَصْحَابِ النَّارِ وَذَلِكَ جَزَاءُ الظَّالِمِينَ (29) فَطَوَّعَتْ لَهُ نَفْسُهُ قَتْلَ أَخِيهِ فَقَتَلَهُ فَأَصْبَحَ مِنَ الْخَاسِرِينَ (30) فَبَعَثَ اللَّهُ غُرَابًا يَبْحَثُ فِي الْأَرْضِ لِيُرِيَهُ كَيْفَ يُوَارِي سَوْأَةَ أَخِيهِ قَالَ يَا وَيْلَتَا أَعَجَزْتُ أَنْ أَكُونَ مِثْلَ هَذَا الْغُرَابِ فَأُوَارِيَ سَوْأَةَ أَخِي فَأَصْبَحَ مِنَ النَّادِمِينَ (31) مِنْ أَجْلِ ذَلِكَ كَتَبْنَا عَلَى بَنِي إِسْرَائِيلَ أَنَّهُ مَنْ قَتَلَ نَفْسًا بِغَيْرِ نَفْسٍ أَوْ فَسَادٍ فِي الْأَرْضِ فَكَأَنَّمَا قَتَلَ النَّاسَ جَمِيعًا وَمَنْ أَحْيَاهَا فَكَأَنَّمَا أَحْيَا النَّاسَ جَمِيعًا وَلَقَدْ جَاءَتْهُمْ رُسُلُنَا بِالْبَيِّنَاتِ ثُمَّ إِنَّ كَثِيرًا مِنْهُمْ بَعْدَ ذَلِكَ فِي الْأَرْضِ لَمُسْرِفُونَ 32

Le Très Haut dit : Et raconte-leur en toute vérité l’histoire des deux fils d’Adam. Chacun d’eux offrit un sacrifice ; celui du premier fut accepté tandis que celui de l’autre ne le fut pas. Le second dit alors : je te tuerai certainement. Allah n’accepte, dit l’autre, que de la part des pieux [5;27]. À travers ce verset, Dieu introduit au sein de Son Livre le récit de deux des fils d’Adam, paix sur lui, Habil et Qabil (Abel et Caïn). Le segment ‘et raconte-leur en toute vérité’ signifie que cette histoire y est rapportée sans omission ni rajout nous dit Ibn Kathir, afin que nous en tirions leçons et enseignements. Il ne s’agit donc ni d’une légende, ni d’un conte mais d’un exemple pour méditer sur les désastres que provoquent la jalousie, la colère et l’injustice ; et aussi nous rappeler à jamais le caractère sacré de la vie humaine.

Au début de l’Humanité, par la nécessité du contexte, Adam mariait ses enfants entre eux ; et ce afin d’assurer la survie et la propagation de l’espèce humaine sur Terre. Néanmoins, il a été rapporté d’Ibn Mas’oud et d’un groupe de compagnons qu’Adam refusait de marier les enfants issus d’une même portée. Habil voulait épouser la sœur jumelle de Qabil. Or celle-ci était belle et Qabil désirait aussi l’épouser. Mais comme celle-ci était issue de la même grossesse que lui, Adam refusa et lui ordonna de laisser son frère Habil la prendre pour épouse. Qabil s’enfla alors d’orgueil d’autant plus qu’il était l’ainé des deux. Pour appuyer son jugement, Adam suggéra à ses deux fils de faire un sacrifice pour Dieu afin de les départager. Habil proposa en offrande une belle bête issue d’un troupeau d’ovins. Quant à Qabil, il apporta une botte de céréales de mauvaise qualité. Le Seigneur fit alors descendre du ciel un feu qui brûla l’offrande de Habil en signe d’agrément pour son œuvre laissant celle de Qabil qui avait manqué de sincérité dans son acte. Alors ce dernier éclata de colère et dit à son frère : je te tuerai surement et tu n’épouseras jamais ma sœur ! Habil lui répondit : Allah n’accepte que de la part des pieux.

Le premier meurtre de l’Histoire : Puis Habil ajouta, en témoignage de sa piété : Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n’étendrai pas vers toi ma main pour te tuer car je crains Allah, le Seigneur de l’Univers. C’est-à-dire que si tu tentes de mettre à exécution tes menaces, eh bien moi, je ne répliquerai pas et je n’agirai pas comme toi car sinon nous serions égaux et porterions la même faute ! Ce raisonnement est d’ailleurs confirmé dans un hadith dans lequel le Prophète - paix et salut sur lui -  dit : lorsque deux musulmans croisent le fer, assassin et victime se retrouveront en enfer. Ceci car chacun d’eux avait la même intention : tuer l’autre [Al Boukhari & Mouslim]. Le Prophète - paix et salut sur lui – dit aussi en allusion à une épreuve qui surviendrait plusieurs années après sa mort : Viendra une épreuve : celui qui sera assis agira mieux que celui qui sera debout ; celui qui sera debout agira mieux que celui qui marchera ; celui qui marchera agira mieux que celui qui courra. Sa’d Ibn Abi Waqqas demanda alors : et si quelqu’un entre chez moi pour me tuer ? Soit alors comme le fils d’Adam (Habil) lui dit le Prophète - paix et salut sur lui [Ahmed, Sahih]. Ayoub Sakhtayani dit que le premier à avoir appliqué ce principe parmi les musulmans fut le Calife Othman Ibn ‘Affan (cf. Apparition des troubles).

Puis Allah nous rapporte qu’Habil dit à son frère : Je veux que tu partes avec mon péché (ndlr : ‘le péché de m’avoir tué’ selon l’unanimité des savants de l’exégèse comme le rapporte Ibn Kathir) et avec ton propre péché : alors tu seras du nombre des Gens du Feu. Telle est la rétribution des injustes [5;29]. Cela signifie que Qabil portera l’assassinat de son frère en plus de ses propres péchés. Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du nombre des perdants [5;30]. Al Boukhari rapporte que le Prophète - paix et salut sur lui – a dit : aucune âme n’est tuée injustement sans que le premier fils d’Adam n’en assume une part de responsabilité car il fut le premier à initier le meurtre. Enfin, après ce fratricide ignoble, Allah envoya un corbeau afin de montrer à Qabil comment enterrer son frère [5;31].

Une âme est une âme : Puis Allah dit : C’est pourquoi Nous avons prescrit aux Enfants d’Israël que quiconque tuerait une âme non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué toute l’Humanité. Et quiconque sauve une âme, c’est comme s’il sauvait toute l’Humanité [5;32]. Ainsi selon les exégèses, du fait de ce meurtre du fils d’Adam, Allah a établit comme une règle aux communautés qui nous ont précédées ainsi qu’aux musulmans que le meurtre d’un seul individu était assimilable à la destruction de l’humanité entière ! Et cela car l’âme d’un être humain est sacrée et que cette sacralité s’applique à tous sans distinction auprès de Dieu. À l’inverse, celui qui se prémunit contre le meurtre et épargne ce mal à autrui, tout en tenant pour véridique la Parole de Dieu, alors c’est comme s’il avait sauvé toute l’Humanité. C’est là l’avis d’Ibn ‘Abbas et de Moujahid notamment. Pour Hassan al Basri et Qatada, la première partie du verset énonce le terrible péché que représente l’assassinat et la deuxième partie concerne la récompense qu’Allah a réservé à celui qui s’en préserve. Par ailleurs, une autre version rapporte que Moujahid interprète le passage ‘quiconque sauve une âme’ comme signifiant que quiconque sauve quelqu’un de la noyade, du feu ou d’un danger mortel alors c’est comme s’il avait sauvé l’Humanité ! De quoi méditer pour inciter peut-être certains d’entre nous à s’engager dans ces métiers nobles où l’on sauve des vies (pompier, médecin, infirmier, etc.) ou à mener des actions pouvant aller en ce sens comme le simple fait de donner son sang.

 Et Allah est plus Savant.


Rubrique: Enseignements des textes, Exégèse du Coran